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LA LITHO-TYPOGRAPHIE.

ment justice en sera faite. Il n’y a pas d’assez petites subdivisions dans les valeurs monétaires pour en exprimer l’estimation.

Quant aux autres inconvéniens que vous avez aperçus, et que les prôneurs même de cette sotte industrie ne se dissimulent point, c’est une autre question. Oh ! sans doute, l’imprimerie et la librairie, déjà si sérieusement compromises dans leur existence, doivent en redouter les progrès. La contrefaçon contre laquelle nos savantes associations littéraires se prononcent avec tant de vigueur, n’aura plus besoin de se réfugier en Belgique, et l’on pourra, au besoin, s’épargner la dépense d’une matière chimique, de quelque nature qu’elle soit, pour reproduire, avec une désespérante identité, un livre fraîchement imprimé, avant que les exemplaires brochés soient rendus à l’éditeur. Toute feuille qui sort de la presse donne sa contre-épreuve à un coup de barre, et il n’y a plus qu’à jeter cette contre-épreuve sur la pierre lithographique. Les forbans étrangers trouveront là une dangereuse concurrence, et les nôtres y gagneront une bonne prime. Ceci est une des conséquences inévitables du progrès et ce que le progrès veut, Dieu le veut.

La reliure, qui commençait à peine à reprendre une place parmi les nobles métiers, et à balancer les anciens chefs-d’œuvre de nos Derome et de nos Padeloup, sera ruinée de fond en comble, et j’en ai quelque regret. Qui voudrait, en effet, d’un exemplaire d’un vieux livre, établi depuis l’an de grace 1839, et par conséquent suspect de falsification, sinon dans son ensemble, ce qui est impossible, au moins dans quelques-unes de ses parties, tant qu’il se trouvera des exemplaires authentiques, munis par le cachet d’un ouvrier mort du sceau imprescriptible de leur âge, qui sera désormais le seul garant de leur pureté ? Combien n’est-il pas de volumes dont l’absence d’un feuillet peut modifier la valeur, et cela dans une proportion incalculable ? Mais ceux-là n’ont pas eu l’honneur du maroquin antique, des solides tranchefiles de Duseuille, reconnaissables entre mille, et des riches dentelles de Boyer. La vieille reliure augmentera encore de prix ; la nouvelle perdra sa considération naissante, et Simier sera obligé de se faire litho-typographe.

Ce danger n’est pas de conséquence pour nous, monsieur, qui préférons deux ais de bois couverts d’un cuir brut, une bonne peau de truie estampée d’Allemagne, ou un bon vélin cordé de Hollande, à toute cette basane maroquinée que Bozérian et Courteval ont brodée de si lourdes arabesques. Nos incunables ne seront jamais confondus, grace au ciel ! dans leur costume à la vieille mode, avec le fac-simile