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Le dénombrement des hommes libres de chaque comté devait être fait, sous la surveillance des commissaires généraux, par les comtes ou par les centeniers.

Au nombre des droits dont jouissaient les hommes libres, je citerai, outre ceux de propriété et de juridiction ou d’immunité et de seigneurie, celui de port d’armes et de guerre privée, c’est-à-dire le droit qu’ils eurent pendant long-temps de poursuivre et de venger à main armée les injures et les torts reçus par eux ou par leur famille. Les compositions auxquelles ils avaient droit étaient en général d’un taux plus élevé que les compositions assignées aux personnes d’une condition inférieure. De plus, ils étaient soumis à une pénalité différente. Quant aux charges qui leur étaient imposées, elles consistaient dans l’obligation d’aller à l’armée, d’assister aux assemblées publiques, de siéger dans les tribunaux, et de procéder, dans certains cas, à l’exécution des jugemens ; de concourir à la réparation des chemins, des ponts et des chaussées ; de faire le guet, de loger et d’entretenir les envoyés du prince, et de leur fournir des chevaux[1]. Ils pouvaient s’attacher à des seigneurs particuliers et s’engager dans le vasselage, sans perdre ordinairement, pour cela, leur liberté ni leur noblesse[2]. Mais ils n’avaient pas le droit, pour s’affranchir du service de guerre, de s’engager dans les ordres, ni d’abandonner leurs biens aux églises, sans l’autorisation du souverain. Toutefois, cette autorisation n’était pas exigée par la loi des Allemands.

Les hommes libres établis sur le même territoire formaient entre eux une espèce de société civile, et jouissaient en commun de certains usages, suivant la nature des lieux.


II. — Les hommes libres de la seconde espèce ne jouissaient d’aucune immunité ni juridiction, soit parce qu’ils n’habitaient pas sur leurs propres terres, soit parce qu’ils étaient soumis à la juridiction du propriétaire sur les biens duquel ils habitaient, ou du seigneur qu’ils s’étaient choisi. Un assez bon nombre d’entre eux demeuraient dans les domaines du roi. En général, ceux qui s’établissaient sur les

  1. Sur tous ces droits et ces devoirs des hommes libres, voyez le savant ouvrage du professeur Eichhorn, Histoire du droit et de l’état des Germains, § 48, 75, 76 et 86 (en allemand).
  2. Montesquieu se trompe lorsqu’il reconnaît (Esprit des Lois, XXX, 17 et 25 ; XXXI, 24) sous les deux premières races l’existence d’une noblesse privilégiée, à laquelle seule aurait appartenu, jusqu’à Charles Martel, le droit de tenir des bénéfices.