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RECHERCHES HISTORIQUES.

suite plusieurs d’entre eux possédaient en même temps des biens en propre. Le colon Adricus, outre sa tenure, possédait avec ses fils neuf journaux en toute propriété. Le colon Gulfoinus tenait la propriété de son père, après l’avoir donnée à l’abbaye de Saint-Germain-des-Prés. Les colons possédaient en outre à titre de bénéfice, de cens et de loyer[1].

Les colons acquéraient ainsi pour leur compte, et disposaient de ce qui leur appartenait en propre[2] ; de plus ils héritaient de leurs parens, et transmettaient leurs biens à leurs descendans ou à leurs neveux. Mais ce qui mérite d’être remarqué, c’est qu’en général la propriété n’était pas franche entre les mains des colons, attendu que nous voyons, dans le polyptique d’Irminon, les colons de Saint-Germain grevés envers l’abbaye de redevances et de services, non seulement à raison de leurs tenures colonaires, mais encore à raison des biens qu’ils possédaient en propre. Si l’on voulait reconnaître dans ces charges imposées aux propriétés des colons quelques vestiges de l’ancienne capitation romaine, à laquelle les colons de l’empire étaient soumis, on devrait alors supposer que l’impôt avait été converti en cens et en corvées, et que la seigneurie avait été substituée à l’état ; mais il ne faut pas s’y tromper : on observe un grand nombre de cas où les redevances établies représentent des droits utiles et le prix de concessions avantageuses faites aux colons.

Les colons, quoique attachés à la glèbe, et jouissant ainsi d’une liberté fort incomplète, pouvaient néanmoins acheter et avoir eux-mêmes des serfs ; ce qui ne doit pas nous étonner, surtout lorsque nous verrons des serfs posséder eux-mêmes d’autres serfs.

Le droit du colon sur la terre qu’il habitait alla toujours croissant, et finit, vers le déclin du Xe siècle au plus tard, par devenir un véritable droit de propriété. Alors le colonat s’éteignit tout-à-fait, au

  1. Les manses tenus par les colons sont appelés héritages. « Hereditates, id est, mansa quam (coloni) tenent. » (Edict. Pist., L. c.) Dans le polyptique d’lrminon, les mots deest hœres ont été écrits par une main ancienne, à la marge des § 39, 40, 41 et 42 du ch. XIV, sans doute parce que les colons qui tenaient les manses décrits dans ces paragraphes, étant venus à mourir sans postérité, avaient laissé leurs tenures vacantes. — Beaucoup de colons étaient hospites, et ceux-ci, qui se rapprochaient beaucoup des inquilini romains, étaient des espèces de locataires.
  2. Quatre colons ou colones de Saint-Germain, après avoir acheté une terre d’une seigneurie indépendante, libera potestas, en vendent une autre à un nommé Gerradus, d’une seigneurie étrangère. Cette vente était une contravention à la défense de Charlemagne dont nous avons parlé, en supposant que la défense fût antérieure à la vente.