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REVUE LITTÉRAIRE.

Quand Sallo fit paraître, le 5 janvier 1665, le premier cahier de son Journal des Savans, il ne se doutait guère de l’influence qu’exerceraient un jour dans les lettres françaises les publications périodiques dont il donnait le premier l’exemple. Au XVIe siècle et sous Louis XIII, les correspondances des érudits, copiées et répandues dans le monde scientifique, semblaient, il est vrai, par leur variété un peu prétentieuse et confuse, annoncer les recueils littéraires du règne de Louis XIV. Mais en attendant qu’on restitue peut-être aux Romains, comme l’a fait ingénieusement M. Victor Le Clerc pour les journaux politiques, l’idée première des journaux littéraires, l’honneur en appartient à Sallo.

Ce serait un bien intéressant et curieux travail que d’écrire l’histoire de la littérature dans les journaux, que de suivre cette critique improvisée, un peu lente encore sous la plume de Sallo et de Gallois, mais vive déjà, nette et discursive avec Bayle, ardente et acérée avec Fréron, que de la suivre, disons-nous, de Visé à Geoffroy, de La Harpe à Dussault, à travers les transformations de toute sorte et les nuances rapides et changeantes des deux derniers siècles. Si ce n’est point là le côté des lettres le plus solide, le plus sérieux, si la rapidité même et la hâte inévitable de ces compositions, de ces jugemens vifs et promptement formulés, leur donnent trop souvent un caractère actuel et transitoire, une pareille étude toutefois ne serait pas sans profit pour saisir à sa source, dans sa spontanéité même, dans sa partie la plus pratique et la plus vraie, la pensée littéraire d’une époque.

En ces dernières années, les journaux ont de plus en plus attiré à eux et comme absorbé la littérature, en sorte qu’il n’est guère mis au jour, de la part des écrivains connus, de livres qui n’aient, au moins en partie, subi dans la presse l’épreuve d’une première publicité. L’élaboration calme, assidue, solitaire, était, sans contredit, meilleure ; mais maintenant que les longs loisirs sont perdus, et que La Bruyère serait peut-être forcé de gaspiller sa verve si sobre et si admirablement avare entre un compte-rendu des assises et une