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LES ÎLES SANDWICH.

sa mort ; on nous montra des cocotiers percés par des balles, et des rochers brisés par l’artillerie.

Le lendemain, nous trouvâmes à Kaava-Roa les chevaux et le guide que Kapiolani nous avait promis. Les chevaux sont importés aux îles Sandwich de la côte de Californie ; ils commencent à se multiplier dans le pays. Ceux qu’on nous amena étaient sellés tant bien que mal, les uns avec des selles anglaises, les autres avec de lourdes selles mexicaines. La distance du village de Kaava-Roa supérieur à Kaava-Roa inférieur est d’environ trois milles ; on y monte par une route assez bonne, taillée sur le flanc de la montagne, au milieu de rochers de lave ; cette route est due aux missionnaires, qui se sont servis d’un singulier moyen pour la faire construire. D’après une loi que, par leur influence, ils ont rendue obligatoire dans les îles Sandwich, toute personne, homme ou femme, convaincue d’adultère, est condamnée à une amende de 15 piastres (75 francs), ou, en cas de non paiement, à travailler aux routes pendant quatre mois. La population d’Hawaii a si bien secondé le plan des missionnaires, que la route que nous suivions a été faite en moins de deux ans, et qu’une autre route qui va de Kaava-Roa à Kai-Loua (grande bourgade), et qui parcourt une distance d’environ vingt-cinq milles, est déjà presque achevée ; enfin, grace aux amoureux et des habitans d’Hawaii, nous gravîmes fort aisément les trois milles que nous avions à parcourir.

À mesure que nous montions, le terrain prenait un aspect différent. Toutes ces îles ont été évidemment formées par les éruptions successives de volcans sous-marins ; partout vous trouvez la lave comme une preuve irrécusable de leur origine. Sur le rivage, on la voit encore : telle qu’au moment où elle s’est durcie ; on distingue les différentes couches qui se sont étendues les unes sur les autres ; puis, à mesure qu’on s’élève, l’action alternative de l’humidité et de la chaleur ayant brisé la lave, on la trouve décomposée en partie. Quand on arrive au sommet du plateau, continuellement arrosé par les nuages qui, s’amoncelant toute l’année sur la crête des montagnes, s’y dissolvent en pluies abondantes, on trouve la lave transformée en une terre fertile ; là s’élève en abondance le kukui (candle nut tree), qui donne une espèce de noix dont on fait une huile très claire et très bonne à brûler, et qui forme déjà une branche d’exportation ; l’arbre à pain, l’oranger, le mûrier (importé de Manille), le bananier, la canne à sucre, le taro (arum esculentum), racine croissant dans l’eau et dont les insulaires font leur principale nourriture ; à travers les crevasses des rochers s’échappent quelques arbustes rabougris, une espèce de câprier, le nai-hi, dont la racine, nous dit-on, sert de thé aux naturels, et le tappa, avec les filamens duquel ils font leurs vêtemens, et dont la fleur, d’un jaune de safran, rivalise d’éclat avec les magnifiques convolvulus bleus, blancs et roses qui tapissent le chemin.

Vers le milieu de la route est le monument élevé, en 1825, par lord Byron, commandant la frégate anglaise la Blonde, à la mémoire de Cook. On a choisi l’endroit où ce qu’on put rassembler de ses membres épars a été enterré ; c’est un poteau élevé et fixé au milieu de rochers de lave qu’on a entassés et dont