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GABRIEL.

son illustre aïeul, Jules de Bramante, la possession immédiate, légale et incontestable de tous ses biens et de tous ses titres, à son héritier légitime Octave-Astolphe de Bramante, fils d’Octave de Bramante, et cousin-germain de Gabriel de Bramante, à qui nous avons accordé cette licence et cette promesse, afin de lui donner le repos d’esprit et la liberté de conscience nécessaires pour contracter, en secret ou publiquement, un vœu d’où il nous a déclaré faire dépendre le salut de son ame.

« En foi de quoi lui avons délivré cette autorisation revêtue de notre signature et de notre sceau pontifical… »

Comment donc ! mais il a un style charmant, le saint-père ! — Tu vois, Astolphe ? rien n’y manque !… Eh bien ! cela ne te réjouit pas ? Te voilà riche, te voilà prince de Bramante !… Je n’en suis pas trop surprise, moi ; ce pauvre enfant était dévot et craintif comme une femme… Il a, ma foi, bien fait ; maintenant tu peux tuer Antonio et m’enlever dans le repos de ton esprit et le loisir de ta conscience !

ASTOLPHE, lui arrachant le papier.

Si tu comptais là-dessus, tu avais grand tort.

(Il déchire le papier, en fait brûler les morceaux à la bougie.)
FAUSTINA, éclatant de rire.

Voilà du don Quichotte ! Tu seras donc toujours le même ?

ASTOLPHE, se parlant à lui-même.

Réparer de pareils torts, effacer un tel outrage, fermer une telle blessure avec de l’or et des titres… Ah ! il faut être tombé bien bas pour qu’on ose vous consoler de la sorte !

FAUSTINA.

Qu’est-ce que tu dis ? Comment ! ton cousin aussi t’avait… (Elle fait un geste significatif sur le front d’Astolphe.) Je vois que ta Calabraise n’en est pas avec Antonio à son début.

ASTOLPHE, sans faire attention à Faustina.

Ai-je besoin de cette concession insultante ? Oh ! maintenant, rien ne m’arrêtera plus, et je saurai bien faire valoir mes droits… Je dévoilerai l’imposture, je ferai tomber le châtiment de la honte sur la tête des coupables… Antonio sera appelé en témoignage…

FAUSTINA.

Mais que dis-tu ? je n’y comprends rien ! Tu as l’air d’un fou ! Écoute-moi donc, et reprends tes esprits !

ASTOLPHE.

Que me veux-tu, toi ? Laisse-moi tranquille, je ne suis ni riche, ni prince ; ton caprice est déjà passé, je pense ?