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LE SCHAH-NAMEH.

fils ! répond la mère épouvantée, réjouis-toi, tu es le fils de Rustem ; c’est pour cela que tu es plus grand que le ciel ! » Mais il ne faut pas que le roi de Touran, Afrasiab, connaisse ce mystère. Elle recommande donc le secret à Zohrab. Celui-ci s’écrie : « Je veux rassembler une armée de braves, je veux aller chercher vengeance dans l’Iran, je précipiterai Kaous du trône, je donnerai à mon père la couronne et l’armée, je le placerai sur le trône royal. » Plein d’enthousiasme pour son glorieux père, Zohrab se met en campagne, et va combattre les iraniens. Bientôt le roi Kaous envoie chercher Rustem pour venir à bout du jeune guerrier, auquel nul ne peut résister.

La destinée, qui menace l’un par l’autre le père et le fils, commence à s’appesantir sur eux à leur insu. Rustem tue un guerrier touranien que la mère de Zohrab avait secrètement chargé de faire connaître à son fils le héros qui lui avait donné le jour. Un autre trompe le jeune homme, avide de découvrir son père parmi les guerriers de l’Iran qu’il contemple du haut d’un château-fort, et qu’on lui nomme, comme Hélène, sur le rempart d’Ilion, nomme les héros de la Grèce à Priam. Bientôt Zohrab s’élance dans la plaine et va demander au roi Kaous le combat singulier contre un de ses braves. C’est Rustem qui vient répondre à ce défi chevaleresque. Ils combattent. Rustem s’étonne d’une résistance qu’il n’a pas encore rencontrée. Zohrab éprouve un singulier éloignement à continuer la lutte. Il le dit à Rustem. Rustem ne l’écoute point, et jette autour de son ennemi le lacet dont se servent les héros de Firdousi. Le jeune homme brise le lacet et terrasse le vieux guerrier. Le lendemain même discours de Zohrab : « Pourquoi combattre ? Livrons-nous plutôt ensemble aux joies d’un banquet, car mon cœur éprouve pour toi de l’amour… » Mais le vieux Rustem s’obstine à la guerre, sans vouloir dire son nom à Zohrab.

Zohrab jette à terre son ennemi et se prépare à lui couper la tête. Le rusé Rustem lui dit : « Ô brave ! ce n’était pas ainsi que j’avais coutume de faire. La première fois qu’on abat un adversaire, on ne lui coupe pas la tête, même dans l’emportement de la colère ; mais, quand on le renverse pour la seconde fois, alors abattre une tête, c’est agir en lion. Telle a toujours été mon habitude. » Ce discours persuade Zohrab, et il épargne le vieillard. Le troisième jour a lieu un troisième combat. Celui-ci dure depuis l’aube jusqu’au soir. Enfin Rustem, après une lutte terrible, fait tomber Zohrab, et lui porte un coup de son poignard. Le jeune homme s’écrie « C’est mon amour pour mon père qui m’a donné la mort ! Je le cher-