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tion, leur indépendance, leur action locale et spéciale. Les maisons hospitalières pour les infirmes et les infortunés sans asiles, les bureaux de bienfaisance pour le soulagement à domicile des nécessiteux, ont été placés sous la surveillance de l’autorité municipale et sous la tutelle du gouvernement. Les pouvoirs législatifs n’exercent plus qu’un contrôle financier et n’interviennent que pour assurer la dotation du service dans son ensemble. Pour chaque établissement cinq commissaires gratuits, renouvelés par cinquième, et ayant sous leurs ordres un comptable pour la gestion des deniers, et un économe pour la manutention du matériel, les deux derniers salariés, cautionnés et responsables, composent le personnel ordinaire. Tel est le régime en vigueur : mais il ne résistera pas long-temps, sans doute, aux réclamations qu’il soulève. Il nous semble qu’en effet les administrations oublient trop souvent qu’une économie obtenue sur les frais de régie serait la première aumône à faire aux pauvres.

Passons à l’Angleterre. Les historiens font sortir la législation relative aux pauvres d’une ordonnance rendue en 1562. L’insuffisance des aumônes volontaires étant alors reconnue, on déclara que toute personne qui se refuserait à contribuer sur l’invitation de l’évêque ou du curé, serait appelée par eux devant un juge de paix, qui, après avoir épuisé les moyens de persuasion, déterminerait une cotisation hebdomadaire et suivrait pour l’obtenir les voies de rigueur. En 1592, la taxe devint générale et permanente. Enfin le célèbre statut de la reine Élisabeth, promulgué le 19 septembre 1601, vint coordonner tous les règlemens antérieurs. La loi ne proclame pas formellement le droit du pauvre ; mais elle semble le reconnaître en recommandant à chaque paroisse de procurer du travail au pauvre valide, et d’adopter l’infirme nécessiteux ; elle détermine ensuite les obligations imposées au contribuable, et le recours qui lui est laissé en cas d’abus de la part des collecteurs. Le vice radical de ces lois était la confusion de l’autorité administrative et du pouvoir judiciaire dans la personne du juge de paix. On sentit en 1732 le besoin de porter remède à l’arbitraire, et on détermina les cas dans lesquels les secours seraient accordés, les conditions requises pour les obtenir, leur quotité et leur nature. Pour déraciner un abus, on creusait un précipice. On donnait ainsi un titre légal à la requête du pauvre. Les difficultés sans nombre d’une telle matière, maintinrent la législation anglaise dans un état continuel d’élaboration et de crise, jusqu’à la réforme de 1834, dont la durée même est fort problématique. La base sur laquelle reposait l’édifice d’Élisabeth, l’entretien des pauvres imposé à chaque paroisse, a été maintenue ; seulement les trois commissaires royaux placés par le nouvel acte à la tête de l’administration spéciale, peuvent autoriser plusieurs paroisses à associer leurs ressources, et à ne former qu’une seule circonscription de secours : innovation accueillie avec grande faveur, puisque, deux années après la promulgation de la loi, plus de huit mille paroisses déjà réunies formaient trois cent soixante-deux associations. Le régime des hôpitaux est demeuré en dehors du système de l’assistance paroissiale. Le pauvre a conservé un droit au secours qu’il peut faire valoir devant l’autorité