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REVUE. — CHRONIQUE.

français, de la faculté de faire le commerce de détail, de jouir des droits de la nation la plus favorisée, et d’être exemptés des emprunts forcés et contributions de guerre. Ces différentes conditions paraissent avoir été obtenues par l’amiral Baudin, et la publication entière du traité suivra sans doute la ratification qui vient d’avoir lieu de la part du cabinet français. Le choix de la puissance qui doit donner son jugement sur la question de principes relative aux indemnités est très délicat, et nous espérons que le ministère ne perdra pas de vue toute son importance.

Quelques articles supplémentaires et très importans d’un autre traité, celui de la Tafna, ont été aussi portés à la connaissance du public. On sait quelles difficultés s’étaient élevées entre nous et Abd-el-Kader, sur la délimitation du territoire, laissée dans une certaine obscurité par le traité primitif. Des conférences ont eu lieu entre le maréchal gouverneur-général et l’émir, et ces limites ont été clairement fixées, de manière à ce que, dans la province d’Alger, la route d’Alger à Constantine serve de séparation, et comprennent dans notre territoire la route royale et tout le terrain au nord et à l’est des limites indiquées. La contribution de l’émir en fanègues de blé et d’orge est transformée en une contribution annuelle qui aura lieu pendant dix ans, et un dernier article est relatif aux ventes d’armes, de plomb, de soufre et de poudre, à faire à l’émir par la France. Ces conditions réglées, il ne reste plus qu’à les faire respecter par Abd-el-Kader. C’est la principale condition de l’affermissement de notre domination dans l’Algérie.

L’incertitude qui règne sur les affaires d’Orient, enveloppe encore la question des sucres. On avait essayé de former quelques conjectures sur le départ de M. le duc d’Orléans pour Bordeaux ; mais le départ de M. le duc d’Orléans a eu lieu, et il ne paraît pas que la résolution de dégrever les sucres coloniaux par ordonnance ait été prise par le conseil. Les dernières nouvelles des colonies sont cependant alarmantes, et le retour sur leur lest de quelques navires de commerce français suffit pour montrer l’état de nullité des communications de nos ports avec les Antilles. Les fluctuations du gouvernement et de ses agens, depuis quelques mois, ont encore ajouté à la détresse dont nous parlons, car rien n’est plus fatal aux affaires commerciales qu’une succession de mesures contraires les unes aux autres. Or, l’exportation directe en pays étranger accordée à nos colonies par leurs gouverneurs, la révocation de cette faculté par ordre du gouvernement de la métropole, la promesse faite au commerce de Bordeaux, qui avait produit une hausse sensible, et le silence actuel du ministère, qui paraît annoncer un refus, tout a contribué à jeter le plus grand discrédit sur l’industrie coloniale et sur toutes les industries qui en dépendent. Il serait inutile maintenant, ce nous semble, de discuter si le ministère a ou n’a pas le droit de dégrever les sucres coloniaux par ordonnance. Les adversaires de cette mesure regardent le sucre colonial comme une matière fabriquée, et les matières fabriquées ne peuvent être dégrevées ni imposées que par une loi ; d’autres regardent le sucre colonial comme une matière première qui rentre dans l’application de la loi du 17 octobre 1814. Le dégrever, c’est seulement diminuer un droit de douane et non un impôt, car le sucre colonial qui est envoyé en France, pour être soumis aux procédés de la raffinerie, ne peut être rangé parmi les matières fabriquées. La légalité de l’ordonnance se trouve, selon nous, parfaitement motivée par cette distinction, et il faut, au contraire, recourir à des distinctions subtiles pour en démontrer l’illégalité.