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siastique, furent élus directement par le peuple. En changeant de condition, ils changèrent aussi des noms qui rappelaient les temps de servitude, et, fiers d’un pouvoir récemment conquis, ils essayèrent d’appuyer leur autorité de fraîche date sur les souvenirs glorieux du passé. Ils prirent le titre de consuls. Mais ces consuls du XIIe siècle n’étaient autres que les juges, les échevins, constitués par la conquête et l’organisation féodale. Leur nombre reste le même ; ils résident aux mêmes lieux, et leurs noms se mêlent et se confondent encore.

Ainsi dans cette histoire des cités lombardes se trouvent contredits deux grands systèmes historiques, l’un qui appartient à M. de Savigny et tend à établir pour l’Italie entière la permanence de la curie romaine à travers les invasions barbares ; l’autre, qui n’admet la commune que comme une tradition exclusive et longuement continuée de la garantie des Germains. M. Leo reconnaît, il est vrai, le caractère féodal et germanique de l’immunité, mais il n’y rattache la commune organisée et complète que par des élémens éloignés. Les hommes et les choses de l’immunité ayant été placés dès l’abord sous la discrétion et la conduite de l’église, c’est donc dans l’église seule qu’il faut chercher, d’après ce système, les causes du développement, de la puissance, de la constitution définitive de la commune.

Bien que le système de M. Leo soit plus que contestable, bien que la science positive des textes fasse tomber un grand nombre de ses assertions, il convient de reconnaître en ce livre de remarquables qualités d’intelligence et d’exposition. Les opinions hasardées que M. Leo a émises sur l’influence bienfaisante de l’église dans le mouvement communal, appellent un sévère examen. Elles ne paraissent pas être seulement chez lui la conséquence d’un catholicisme prévenu, et l’auteur prend volontiers parti pour les hérétiques ; à cette phrase, par exemple : « Dieu l’aida parce qu’il s’était aidé lui-même, » on pourrait juger avec raison qu’il est plus près du scepticisme que de la foi. Mais il est bien loin d’avoir gardé, en toute chose, cette indépendante liberté de jugement qui échappe à la haine comme aux affections. M. Leo est Allemand, et, par patriotisme sans doute, il prête aux Germains des instincts civilisateurs. C’est là, selon nous, une erreur grave, et bien que M. Leo puisse invoquer d’importantes autorités, nous n’hésitons pas à dire que l’Italie n’a reçu, à toutes les époques, des invasions germaniques que la misère et l’oppression.


— La librairie est toujours dans le même état de langueur ; elle n’a publié, en nouveautés littéraires, cette quinzaine, qu’un seul ouvrage qui mérite d’être remarqué. C’est Valdepeiras[1], par Mme Ch. Reybaud. Ce livre se compose d’une série de petits romans liés entre eux, pleins d’intérêt et de charmantes qualités ; nous en reparlerons.


V. de Mars.
  1. vol. in-8o, chez Dumont, au Palais-Royal.