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REVUE DES DEUX MONDES.

ASTOLPHE.

Il n’en sera que plus furieux d’avoir été mystifié devant tout le monde, et je n’attendrai pas qu’il me provoque, car c’est à lui de me rendre raison.

GABRIEL.

Et de quoi, mon Dieu ?

ASTOLPHE.

Il t’a offensé, il m’a offensé aussi. Il t’a embrassé de force devant moi, quand je jouais le rôle de jaloux, et que je lui ordonnais de te laisser tranquille.

GABRIEL.

Mais puisque tout cela est une comédie inventée par toi, tu n’as pas le droit de prendre les choses au sérieux.

ASTOLPHE.

Si fait, je prends celle-ci au sérieux.

GABRIEL.

S’il a été impertinent, c’est avec moi, et c’est à moi de lui demander raison.

ASTOLPHE, très ému, lui prenant le bras.

Toi ! jamais tu ne te battras tant que je vivrai ! Mon Dieu ! si je voyais un homme tirer l’épée contre toi, je deviendrais assassin, je le frapperais par derrière. Ah ! Gabriel, tu ne sais pas comme je t’aime ! Je ne le sais pas moi-même.

GABRIEL, troublé.

Tu es très exalté aujourd’hui, mon bon frère.

ASTOLPHE.

C’est possible. J’ai été pourtant très sobre au souper. Tu l’as remarqué ? Eh bien ! je me sens plus ivre que si j’avais bu pendant trois nuits.

GABRIEL.

Cela est étrange ! Quand tu as provoqué Antonio, tu étais hors de toi, et j’admirais, moi aussi, comme tu joues bien la comédie.

ASTOLPHE.

Je ne la jouais pas, j’étais furieux ! je le suis encore. Quand j’y pense, la sueur me coule du front.

GABRIEL.

Il ne t’a pourtant rien dit d’offensant. Il riait ; tout le monde riait.

ASTOLPHE.

Excepté toi. Tu paraissais souffrir le martyre.