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DE LA MISE EN SCÈNE CHEZ LES ANCIENS.

tard le préfet de la ville, exerçaient la police des spectacles à Rome ; mais le pouvoir effectif demeura toujours, depuis Auguste, entre les mains des empereurs, et dans les provinces, entre celles de leurs représentans, les propréteurs ou les proconsuls, et plus tard les préfets du prétoire.

En sa qualité de magistrat suprême et presque universel, l’empereur était l’éditeur le plus habituel des jeux publics[1]. Il y employait des fonds spéciaux (ludiaria pecunia), déposés, selon l’ancien usage, dans la caisse des pontifes. Le revenu affecté dans l’origine à cette caisse était le produit des bois sacrés (ex lucis), ce qui fit appeler lucar le salaire de tous ceux qui figuraient dans les jeux[2]. Alexandre Sévère grossit ce trésor sacré de la taxe impure levée sur les courtisanes.

Outre les jeux payés par le trésor public, les préteurs, les pontifes, les questeurs donnaient encore des spectacles à leurs dépens, lorsqu’ils entraient en fonctions. Dans les villes où ne résidait aucun grand fonctionnaire, les magistrats locaux, les décemvirs et les décurions étaient, à leur entrée en charge, forcés de faire les frais des jeux, quand ils ne pouvaient rejeter ces dépenses sur les caisses des villes ou des provinces, tout en s’en réservant la police et la présidence.

Un grand nombre d’inscriptions nous prouvent que des corporations, des associations[3], et même des corps d’armée, furent souvent autorisés à donner des jeux. Enfin, sous la république, rien ne fut plus fréquent que de voir de simples citoyens célébrer, avec l’autorisation du sénat, des jeux, soit votifs, soit funèbres. Cet usage continua sous l’empire ; mais alors il fallait obtenir l’agrément de l’empereur[4]. La fantaisie de se faire éditeur de spectacles (munerarius ou munerator) gagna jusqu’aux plus humbles artisans. Martial raille un cordonnier de Bologne[5] et un foulon de Modène[6] atteints de cette vanité ultra-plébéienne. D’ailleurs, dans les idées romaines, le droit de donner les jeux appartenait si bien aux ma-

  1. Quand Caligula ne pouvait pas présider les jeux, il chargeait de cette fonction ses amis ou des magistrats. Suet., Caligul., cap. XVIII.
  2. Plutarch., Quæst. rom., 88, pag. 285, D. — Fest., voc. Pecunia.
  3. Treize affranchis donnèrent des jeux latins et grecs pendant six jours. Orelli, Inscript., no 2546.
  4. Claude accorda à son affranchi Harpocras le droit de donner des spectacles. Suet., Claud., cap. XXVIII
  5. Mart., lib. III, epigr. 16.
  6. id., ibid., epigr. 59.