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troupes sous ses ordres observassent une exacte discipline, les généraux français, forcés de faire vivre leurs soldats de réquisitions souvent irrégulières, s’efforçaient inutilement de rendre la guerre nationale. Le fameux décret rendu à Fismes par Napoléon avait été fait en représailles des déclarations des généraux ennemis, qui donnaient ordre de fusiller tous les citoyens non enrégimentés qu’on prendrait les armes à la main. Napoléon ordonnait à tous les Français de courir aux armes, de battre les bois, de couper les ponts, de couper les routes, et d’attaquer les flancs et les derrières de l’ennemi. Les populations ne faisaient plus depuis long-temps cause commune avec Napoléon, et elles obéirent, non pas à ce décret, mais au sentiment de leur conservation, en combattant l’ennemi sur les points où il se portait à des excès et commettait des actes de pillage. On a vu quelles précautions prenait lord Wellington pour éviter ces désordres ; cependant la conduite des troupes espagnoles faillit causer un soulèvement général dans les campagnes, et le général Mina eut même à soutenir plusieurs attaques sérieuses de la part des paysans basques. — « Demandez, écrivait lord Wellington au général Freyre en l’avertissant de veiller à la sûreté de la division du général Morillo, demandez à Mina la jolie manière dont les paysans de Baygorry l’ont attaqué par surprise dans leur village, et vous verrez que l’inimitié des paysans n’est pas à dédaigner quand les troupes sont en cantonnement. » Les proclamations même de lord Wellington avaient un caractère moins menaçant que celles des autres généraux. Le fonds était le même, il est vrai. Sous prétexte de faire la guerre à Napoléon seul et à son armée, on refusait aux habitans des villes et des campagnes le droit de défendre le territoire national, et lord Wellington faisait, comme Blücher, fusiller ceux qu’on prenait les armes à la main. Le langage différait toutefois, et la conduite de l’armée commandée par lord Wellington ne faisait pas trop contraste avec ce langage. Le citoyen soumis (soumis, il est vrai à la dure nécessité de l’occupation de son pays par des troupes étrangères !) échappait à la brutalité soldatesque, et voyait ses propriétés respectées. C’est par cette prudence et cette habileté que lord Wellington fit la conquête du midi de la France, si on peut appeler conquête une marche militaire à travers le pays, qu’on n’effectua qu’en désarmant, à force de ménagemens, une population guerrière dont les localités eussent favorisé les projets de résistance. Mais n’est-ce donc rien pour un général que de comprendre toutes les conditions du succès et d’y obéir ? Cette proclamation que je trouve au milieu des dépêches de