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REVUE. — CHRONIQUE.

disant qu’il ne faudrait pas souvent se permettre de pareilles licences, pour peu que l’on tienne à l’honneur et à la viabilité du régime constitutionnel. Mais ici tout s’oublie vite, et l’on s’occupe plus aujourd’hui du mérite de quelques hommes, et des services qu’ils peuvent rendre, que des torts qu’ils ont eus. On remarque que plus un certain passé s’éloigne, plus ces personnages politiques se retrouvent disponibles pour l’avenir. Il a couru dans ces derniers temps des bruits de remaniement de cabinet auxquels nous n’attachons aucune valeur d’éventualité prochaine, mais qui peuvent servir d’indice pour connaître les dispositions de l’opinion, qui verrait avec plaisir un jour la coalition des talens au pouvoir, après avoir vu dans l’arène parlementaire la coalition des haines et des passions. Encore une fois, nous ne croyons à rien d’immédiat ; mais nous ne pouvons nous empêcher de constater combien le bon sens public se montre supérieur aux arguties et aux déclamations de quelques journaux. Suivant ces derniers, des hommes qui se sont quelquefois combattus ne peuvent se retrouver ensemble dans le même cabinet ; c’est un crime, une monstruosité, de penser que M. Thiers et M. Guizot puissent revenir ensemble aux affaires, ou que M. Molé se réconcilie un jour avec l’un de ces deux hommes d’état. Il n’y a ici de monstrueux que la prétention de tenir en échec l’intérêt public en éternisant des rancunes, en perpétuant des dissentimens, en voulant leur donner l’importance de ces séparations de parti et d’opinion qui sont infranchissables. Dans le vaste système de la monarchie représentative, il y a place pour toutes les nuances, pour toutes les grandes individualités qui servent la même cause dans des voies diverses ; on n’y met personne au ban de l’empire. Avons-nous déjà trop d’aptitudes reconnues, trop de talens éprouvés ? Faut-il de gaieté de cœur reléguer dans l’inaction des hommes dont d’éminens services constatent la compétence et les mérites ? Sur ce point, le bon sens de tous n’est pas indécis ; il désire autant que possible que les hommes soient à leur place, que les situations officielles ne donnent pas un démenti aux vocations, enfin, qu’on trouve le moyen d’appliquer tous les talens à l’intérêt général ; il approuverait fort cette nouvelle ligue du bien public. Il estime que c’est dans ce but que les corps et les institutions politiques doivent agir et fonctionner. Mais au lieu d’exprimer le vœu de l’opinion, les journaux préfèrent entretenir les vieilles haines et les causes de discordes. On les voit aussi se quereller entre eux, et se livrer à des polémiques qui ressemblent à des guerres civiles. Le ministère, en se montrant avare de toute mesure, de tout acte, en administrant, pour ainsi dire, à la sourdine, paraît s’attacher à prendre l’opposition par famine. Peut-être le pouvoir en lui-même perd-il à cette politique ce que le cabinet croit y gagner. Aussi l’attention publique est-elle toute entière à ce qui se passe au dehors.

Il y avait déjà long-temps que l’on espérait une transaction entre Maroto, général en chef des troupes de don Carlos, et le gouvernement de la reine d’Espagne. On devait surtout s’y attendre depuis que Maroto, en faisant subir au prétendant la plus cruelle humiliation, s’était donné un ennemi mortel et imposé la nécessité de le perdre. Maroto avait fait plus encore. En mettant le