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retournèrent en triomphe dans leur patrie, où ils arrivèrent ce même jour, 1er septembre 840. Aussitôt arrivés dans la ville, ils la fortifièrent.

Haine éternelle aux Amalfitains ! S’écriaient les habitans de Salerne en rentrant dans leur ville en cendres. Ils y trouvèrent quelques transfuges d’Amalfi qui, retenus par leurs femmes, avaient refusé de prendre part au pillage de la ville et de suivre leurs compatriotes. Ils voulaient les massacrer ; les femmes de ces malheureux s’opposèrent à cette injuste vengeance. Ils se contentèrent donc de les reléguer à Vietri, où ils restèrent jusque sous le règne de Guaifar. Chassés alors de ce bourg par l’imminente agression des Maures, on leur donna de nouveau asile à Salerne, dans un quartier qui prit, dès-lors, le nom de Veteres, et qui s’appelle aujourd’hui les Fornacelles (Fornacelle).

Les Amalfitains avaient puisé dans leur malheur une nouvelle énergie. Nous verrons tout à l’heure que ces désastres, loin de causer leur ruine, leur donnèrent, au contraire, l’occasion d’accroître leur liberté. D’abord, rentrés dans leur ville, ils adoptèrent une meilleure politique, ils apprirent à être unis et à se servir, contre leurs adversaires, de leurs propres armes ; dans ce but, ils reportèrent chez eux la discorde.

Les Bénéventins, ayant tué Sicard, leur duc, avaient élu à sa place Radelchis, son trésorier. Ceux de Salerne, mécontens de cette élection, qui les mettait sous la dépendance de Bénévent, et dès-lors, songeant à faire de leur ville la capitale de l’état des Lombards, résolurent d’opposer Siconolfe, frère de Sicard, à Radelchis. Siconolfe avait été exilé à Tarente par son frère, qui l’avait fait tonsurer. Mais un obstacle arrêtait les Salernitains ; ils manquaient de vaisseaux. Ils recoururent donc à Amalfi, dont la flotte était restée intacte, et promirent à ses citoyens d’oublier leur dernière injure, s’ils voulaient, dans cette entreprise, les aider de leurs galères : « Nous vous pardonnerons l’incendie et le pillage de nos maisons et tous les malheurs que vous avez causés à notre ville, disaient les envoyés de Salerne, mais à une condition, c’est que vous conspiriez avec nous à rendre libre Siconolfe, le frère du prince que nous venons de perdre[1]. »

Les Amalfitains, sachant bien qu’une longue guerre entre Bénévent et Salerne suivrait la délivrance du prince, accueillirent avec empressement la demande des habitans de Salerne et arrêtèrent aussitôt avec eux les mesures propres à assurer l’enlèvement de Siconolfe. Des citoyens de Salerne déguisés en marchands montèrent à bord des galères d’Amalfi, qui les transportèrent à Tarente. Le soir de leur arrivée, ils se répandirent dans les rues de la ville, et, se réunissant aux environs du château où Siconolfe était détenu, ils demandèrent à haute voix l’hospitalité comme c’était alors l’usage. Les gardes du château, pensant que ces marchands leur donneraient une ample gratification, vinrent à eux et leur dirent : « Venez au château, nous avons de belles chambres balayées et de la paille ; vous pourrez y dormir la nuit, et si demain,

  1. Anonym. Salern., cap. LXIX.