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Nous pouvons, on le sait, appuyer M. Hugo en toute sécurité de conscience ; ce n’est pas dans ce recueil que les égaremens et la fatale obstination du poète ont rencontré l’indulgence. Cette sévérité même nous donne le droit de reconnaître plus hautement le talent éminent de l’auteur des Feuilles d’Automne, et de dire que l’heure de sa reconnaissance officielle a sonné. On avait d’abord imaginé, dans le dénuement de concurrens, d’opposer à M. Hugo l’éternelle pétition académique de M. Bonjour. M. Bonjour a un malheur, il ne peut gagner une seule voix, et c’est de M. Duval à M. Jay, de M. de Cessac à M. Tissot, de M. Jouy à M. Lormian, que se promène ce nom bien-aimé. Les chances de M. Bonjour sont donc nulles, et il ne faut pas craindre pour la première classe de l’Institut qu’elle se compromette par un choix qui amènerait logiquement M. Bignan, et par suite tous les lauréats des Jeux Floraux, tous les coryphées des académies de province.

On assure que M. Bonjour a l’appui de M. Scribe. M. Scribe a trop d’esprit ; ce vote est impossible, cela prouve simplement que nous touchons à la Calomnie. Que M. Étienne oublie un instant les charmantes scènes des Deux Gendres, et voie un digne collègue dans l’auteur des Deux Cousines, fort bien ; mais M. Scribe n’est pas de l’empire. Qu’il laisse ses prédilections à M. Dupaty, lequel semble oublier l’aimable quatrain qu’il adressait à M. Hugo le lendemain de sa nomination.

Comme toutes ces petites trames classiques s’ourdissent en faveur de M. Casimir Bonjour, il n’y a pas grand danger. C’est ce qu’ont très bien compris les ennemis plus habiles de M. Victor Hugo, et, pour cela, ils ont fait surgir tout à coup une candidature parfaitement inattendue ; ils se sont dit : — M. Fourier et M. Cuvier, tous deux secrétaires perpétuels de l’Académie des sciences, étaient membres de l’Académie française. Pourquoi M. Flourens n’en serait-il pas à son tour ? — Pour tout homme de sens, la réponse est fort simple c’est que M. Flourens est sans nul doute un très estimable savant, dont personne ne conteste le mérite ; mais ce n’est pas à l’Académie française qu’on extrait des racines cubiques, et Richelieu n’a nullement songé, dans sa création, aux cornues et à tous les appareils de laboratoire. L’universel génie de Cuvier, les admirables pages qu’a écrites M. Fourier, ce grand mathématicien, expliquent, sans les justifier complètement peut-être, les choix précédens de l’Académie, et ne prouvent aucunement d’ailleurs que tous les secrétaires des Sciences aient droit au fauteuil de Corneille et de Voltaire. Pourquoi M. Flourens plutôt que M. Arago ? Pourquoi pas aussi M. Raoul Rochette, secrétaire de l’Académie des beaux-arts ? Comme il s’agit de talent littéraire, l’un vaut l’autre, et les nuances échappent.

Si un secrétaire perpétuel de quelque autre section de l’Institut avait droit de se présenter à l’Académie française, c’était assurément M. Daunou. M. Daunou est un maître dans l’art d’écrire, auquel très peu de plumes, dans ce temps-ci, pourraient le disputer en pureté, en élégance, en élévation. Eh bien ! le vénérable secrétaire de l’Académie des inscriptions laisse le champ libre aux multiples ambitions de M. Flourens. Cette candidature vaut celle de M. Pariset