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REVUE DES DEUX MONDES.

II. — DES SYSTÈMES PROPOSES POUR L’EXTINCTION DES DETTES PUBLIQUES.

Il n’était pas inutile de remonter aux sources oubliées de la dette française, et d’en suivre les fluctuations jusqu’à nos jours. Le pouvoir sous la monarchie donne l’idée d’un fils de famille qui se livre aux usuriers avec l’arrière-pensée de leur échapper par quelque ruse de guerre, et qui souvent, se permet, comme des espiègleries, de ces expédiens qui déshonorent. Aujourd’hui, ce même débiteur a le triste avantage de la maturité ; il a le respect de sa propre parole, et sait d’ailleurs qu’en affaires d’intérêt la probité est encore de l’adresse. Il mesure donc gravement ses engagemens et ses ressources et malgré les bénéfices qu’il attend d’une libération, il y renoncerait s’il ne pouvait l’obtenir avec convenance et loyauté.

Il n’y a en réalité que deux moyens de payer ses dettes : c’est d’obtenir des économies par une réduction de la dépense, ou de créer un excédant de recette par un surcroît de travail. C’est ainsi qu’en agissent les particuliers. Mais les nations, qui ne se sentent pas vieillir, n’ont pas, comme les individus, l’instinct de la prévoyance, et il est difficile d’en obtenir le sacrifice du présent au profit de l’avenir. Il faut ajouter que dans les jours où nous vivons, les administrateurs ne s’arrêtent guère à des plans de réforme dont l’accomplissement exigerait une longue suite d’années. La mobilité du gouvernement constitutionnel, long-temps vantée comme une condition de progrès, ne sera bientôt plus, grace au déchaînement des passions, qu’un remuement désordonné. Quel moyen d’asseoir une idée et d’en poursuivre les résultats, quand toute position est sourdement minée, quand la première affaire pour chacun est de s’affermir contre les secousses d’une perfide bascule ; quand on dépense en caquetages le temps qu’il faudrait donner à la méditation ou à l’œuvre : quand les hommes se remplacent sans se continuer, et que les projets se succèdent comme pour se contredire ?

Dans les sociétés ainsi faites, au lieu de réduire le mal par un régime sage et soutenu, on préfère l’attaquer par un traitement prompt, incisif, et dont l’effet parle aux yeux. Or, l’ulcère qui ronge tous les gouvernemens européens, la dette, a exercé bien des docteurs : nombre de spécifiques ont été proposés ; ils se rapportent tous à quatre genres d’opérations que nous allons exposer successivement.

En première ligne se présente le système de l’amortissement, accueilli il y a soixante ans comme une révélation providentielle, mais qui commence à perdre de son prestige. L’amortissement repose sur la puissance d’accroissement qui est propre à l’intérêt composé. Tout le monde sait qu’en ajoutant chaque année l’intérêt donné par une somme à cette somme elle-même, de façon à ce que le total produise intérêt à son tour, on double en quatorze ans environ un capital prêté à 5 pour 100. Si on continue l’opération avec ce capital doublé, on obtient une progression si rapide, qu’elle cause une sorte de