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WALTER RALEIGH.

s’ouvrait une magnifique vallée d’environ vingt milles de longueur, pleine de fruits, de plantes et d’animaux de toute espèce. Les serpens d’une taille monstrueuse nous effrayèrent d’autant plus qu’un nègre, qui voulut nager vers le rivage, fut tout à coup englouti par un de ces reptiles.

« Le lendemain, quatre canots descendaient devant nous le même fleuve que nous remontions. J’ordonnai que l’on approchât d’eux : alors deux de ces canots se dirigèrent vers la rive, et les autres descendirent le fleuve avec une telle rapidité, qu’il fut impossible de les atteindre. On s’empara des deux canots laissés au rivage et l’on y trouva diverses provisions. Plusieurs des indigènes qui avaient pris la fuite furent atteints. C’étaient des Aracu, et l’on apprit qu’ils avaient servi de guides aux Espagnols qui étaient allés à la recherche des mines d’or ; en vain essaya-t-on de retrouver les Espagnols. Je gardai un de ces Aracu : sous sa conduite, nous continuâmes notre route sans autre danger que celui de donner sur des bancs de sable. Treize jours après, nous nous trouvâmes à l’est du pays de Carapana, occupé par les Espagnols. Nous rencontrâmes trois canots d’indigènes. Après qu’à l’aide de l’interprète on leur eut persuadé que les étrangers n’étaient point des Espagnols, ils s’approchèrent et promirent de revenir le lendemain avec leur cacique. En effet, le jour suivant, le cacique parut avec à peu près quarante de ses gens. Ils m’apportaient une grande quantité de vivres. Je demandai au cacique le chemin le plus sûr et le plus court pour aller à la Guyane. Celui-ci me promit de m’aider de son mieux, et il invita les Anglais à visiter son village, où il leur procurerait un secours qu’un heureux hasard leur avait réservé tout exprès. On nous présenta d’abord une boisson, faite avec du poivre et un grand nombre d’herbes aromatiques, que l’on préparait dans de grands vases. Les Anglais ne tardèrent pas à s’enivrer. Quant au secours plus réel qu’il avait promis, il consistait en un vieux Indien qui connaissait fort bien ces parages, le cours de l’Orénoque, ses bancs de sable et ses rochers.

« Cet homme me conseilla de me servir du vent d’est, qui éviterait à mes gens la peine de ramer. En effet, l’Orénoque, à partir de son embouchure, a presque toujours une direction de l’est vers l’ouest. Je jetai l’ancre près de Putéma et de Putapayma. L’équipage s’amusa à recueillir des œufs de tortue. Le jour suivant, on se dirigea vers l’ouest, et l’on éprouva moins de difficultés à remonter le fleuve. Le pays était plat sur les deux côtés, et une couleur pourpre très brillante en dessinait les rives. Les hommes qui furent envoyés