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POMPEÏ.

bonheur rare en ce temps-ci, M. Bianchi a été chargé d’élever un véritable monument, et, par un autre bonheur rare à toutes les époques, il a pu l’achever lui-même, et lui seul. Je veux parler de l’église San-Francesco di Paula, qui termine la place où Fontana bâtit le palais des rois de Naples. Ce n’est pas que j’admire pleinement l’architecture de ce temple qui n’a pas précisément le caractère d’une église. Il rappelle trop, je crois, dans sa disposition générale, le Panthéon de Rome (la Rotonda), de façon qu’on pourrait dire de M. Bianchi qu’il a remis par terre cette coupole antique que Bramante voulait élever dans les airs, et que, de concert avec Michel-Ange, il a portée en effet au haut de sa fastueuse basilique. Mais l’accord harmonieux des parties, la rare élégance des détails, la richesse bien entendue des ornemens, suffisent pour faire de San-Francesco une œuvre d’art de haut mérite, et pour conserver honorablement le nom de son auteur. M. Bianchi peut revendiquer jusqu’à la découverte des matériaux qu’il a employés dans la construction de ce temple, car les principales colonnes de sa rotonde sont faites d’un marbre magnifique qu’il a trouvé et exploité dans l’ancienne montagne de Falerne (aujourd’hui Mondragone), à trente milles de Naples, entre la Campanie et la vallée du Garigliano.

Il y a dix ans que M. Bianchi est chargé des fouilles de Pompeï, et qu’avec un misérable crédit de 6,000 piastres par année (ce qui met à sa disposition, comme il le dit, en riant de sa détresse, deux paires de bœufs et six enfans), il a poussé fort loin déjà l’ouvrage de la complète résurrection de cette ville. C’est avec ce guide, aussi complaisant qu’éclairé, que j’ai pu voir et comprendre la vieille bourgade romaine. Cette circonstance me rassure, au moment où je vais parler de Pompeï, en me faisant espérer que j’éviterai les erreurs où tombent des voyageurs plus savans que moi sans doute, mais qu’égare justement la science recueillie au loin dans les livres.

Il y aura, comme on le sait, bientôt un siècle que le hasard fit découvrir les restes d’Herculanum cachés sous la lave. Charles III, qui était alors roi de Naples, avant d’aller occuper le trône d’Espagne, fit commencer les fouilles en 1748 ; mais, bien qu’elles eussent été couronnées d’un plein succès, puisque l’on trouva tout d’abord, et dans un seul temple, une foule d’objets d’art du plus haut prix, tels que la Minerve, les Balbus, le Faune dormant, le buste de Sénèque, etc., ces fouilles furent bientôt abandonnées. Elles étaient trop difficiles et trop coûteuses, car Herculanum gît sous un bloc