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temps on n’aurait obtenus que par la guerre. Ce sont les whigs d’abord qui pensent ainsi ; ce sont aussi les tories eux-mêmes. Dans les tories, il faut distinguer les vieux tories aristocrates, qui en sont encore aux traditions de lord Castelreagh, des tories modérés, résistant par esprit de conservation au mouvement du parti réformiste, et pas plus aristocrates que leur illustre chef, M. Peel, qui est fils de l’un des plus riches industriels de l’Angleterre. Ces tories, qui ne sont pas très loin du pouvoir, veulent d’ailleurs prouver que leurs préjugés de parti ne les éloigneraient pas, comme on le croit, de l’alliance de la France libérale, et qu’ils ne sacrifieraient pas les intérêts de la paix à des préjugés qu’ils n’ont plus, et qu’ils ont laissés à leurs devanciers. Ce public anglais, qui connaît peu les affaires étrangères et qui ne s’en occupe presque pas, a tout à coup appris qu’un traité avait été signé sans la France ; que ce traité entraînait pour celle-ci une sorte d’exclusion des affaires communes de l’Europe, et que la forme même employée avait eu quelque chose de blessant pour elle. Il a de plus appris, par le langage de la presse française, que la manière dont la France ressentait une telle conduite pouvait troubler profondément les relations des deux pays, et peut-être la paix de l’Europe. Il a fallu lui dire ce qui en était, et c’est dans ce but que lord Palmerston a fait un discours parfaitement poli, mais pas complètement exact, et pas du tout fondé en raison politique.

Dans ce discours, il a pris la même position que dans la négociation même, position qui au fond n’est pas soutenable. Cette position, la voici.


« De quoi s’irrite donc la France ? Pourquoi dit-elle qu’il n’y a plus d’alliance ? Loin de là, l’Angleterre veut l’alliance de la France plus que jamais. Elle en apprécie plus que jamais l’importance et l’utilité. Aussi l’Angleterre est-elle sur tous les points disposée à s’entendre avec la France. Y a-t-il une convention commerciale à signer, l’Angleterre est toute prête. Y a-t-il en Espagne quelque chose de commun à faire, l’Angleterre est disposée à recevoir l’avis du cabinet français et à se concerter avec lui. Il en serait de même s’il y avait une question en Allemagne ou en Suisse. Si demain les trois puissances du Nord voulaient entreprendre une guerre de principe contre la France, l’Angleterre ne serait plus leur alliée. En un mot, le traité de Londres est un accord accidentel, sur un point de la politique générale, qui n’entraîne aucune séparation définitive de l’Angleterre avec la France, aucune alliance durable de