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POLITIQUE EXTÉRIEURE.

rité insurrectionnelle a été obligée de faire saisir l’Ouragan. Voilà les sociétés secrètes déjà vaincues sans avoir combattu.

Il est vrai que la junte n’en essaie pas moins de suivre de loin le programme, mais avec de tels tempéramens qu’il cesse d’être lui-même. En pareille matière, il faut tout ou rien ; on n’est pas persécuteur à demi. La junte porte peine de mort contre beaucoup de gens, mais elle n’a encore tué personne ; elle ordonne des levées en masse de dix-huit à quarante ans, et procède à des destitutions générales, mais le pays n’a guère l’air de prendre tout ce fracas au sérieux. Nous ne disons pas que le parti représenté par l’Ouragan n’essaiera pas de reprendre la direction du mouvement et de remettre l’énergie en vigueur ; mais s’il réussit un moment, il effraiera, il repoussera encore une fois tout le monde ; et s’il ne réussit pas, la révolution sera de plus en plus ce qu’elle est, c’est-à-dire si bénigne, malgré le bruit qu’elle fait, qu’elle cessera d’être une révolution et qu’on se permettra de se moquer d’elle.

Les municipalités sont plus fortes que les sociétés secrètes, elles ont de bien plus profondes racines dans le caractère national, et cependant elles ne sont pas plus destinées à vaincre. Les communes de Castille ont beau faire, elles ne se relèveront jamais de la bataille de Villalar. Il n’est pas vrai d’ailleurs que les ayuntamientos qui se révoltent en ce moment soient les vieilles communes d’Espagne ; ce sont les communes révolutionnaires telles qu’elles ont été organisées par la constitution de 1812 ; elles n’ont de leurs devancières que le nom et l’apparence. Les provinces du nord, qui sont les vraies gardiennes des antiques libertés espagnoles, ne s’y sont pas trompées ; elles ont repoussé le mouvement, comme toute l’Espagne le repoussera dès qu’elle en aura bien démêlé le véritable caractère.

Pour se donner du crédit, les premiers fauteurs de l’insurrection ont prononcé un mot qui aura toujours beaucoup de faveur en Espagne ; ce mot est celui de fédération. Malheureusement pour eux, c’est un mensonge dans leur bouche. Ils ne peuvent pas plus vouloir d’une organisation fédérative que la convention n’en a voulu. L’esprit municipal et provincial est pour eux un moyen et non un but. Ils s’en servent pour détruire ; ils ne s’en serviraient pas pour reconstituer. Il n’y a de fédération possible en Espagne qu’à la condition d’une autorité royale très forte et très respectée. C’est ce que tous les Espagnols savent parfaitement, et voilà pourquoi la conspiration antimonarchique ne pourra pas se cacher long-temps sous le manteau