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ANCIENS POÈTES FRANÇAIS.

put les poètes latins et grecs ; il comprit qu’il les pouvait imiter. Mais les imiter dans leur idiome même, comme tâchaient de faire les érudits, lui parut chose impossible ; la partie de son âge la plus propre à l’étude était déjà écoulée. Pourquoi ne pas les imiter en français ? se dit-il. La nécessité et l’instinct naturel s’accordèrent à l’y pousser.

C’est ici que se place sa première relation avec Ronsard ; ils étaient un peu parens ou alliés ; Ronsard avait même été, un moment, attaché à M. de Langey dans le Piémont. Du Bellay, à ce qu’on raconte, était allé, sur le conseil de ses amis, étudier le droit à Poitiers « pour parvenir dans les emplois publics, à l’exemple de ses ancêtres, qui s’étaient avancés à la cour par les armes ou les saints canons. » Il est à croire que le cardinal, qui venait de se retirer à Rome depuis la mort de François Ier (1547), était pour quelque chose dans cette détermination de son jeune parent, et qu’il lui avait fait dire de se mettre en état de le rejoindre. Du Bellay avait alors l’épée, mais n’y tenait guère, et le droit menait à l’église. Quoi qu’il en soit, Du Bellay était en train, assure-t-on, de devenir un grand jurisconsulte, lorsqu’un jour, vers 1548, s’en revenant de Poitiers, il rencontra dans une hôtellerie Ronsard, qui retournait de son côté à Paris. Ils se connurent et se lièrent à l’instant. Ronsard n’était pas encore célèbre ; il achevait alors ce rude et docte noviciat de sept années auquel il s’était soumis sous la conduite de Jean Dorat, de concert avec Jean Antoine de Baïf, Remi Belleau et quelques autres. Du Bellay, arrivé un peu plus tard, voulut en être ; les idées de poésie, qu’il nourrissait en solitaire depuis deux ou trois années, mûrirent vite, grace à cette rencontre. Il était ardent, il était retardé et pressé, il devança même Ronsard.

Le premier recueil des poésies de Du Bellay, dédié à la princesse Marguerite, sœur de Henri II, est daté d’octobre 1549. Sa Défense et Illustration de la langue française, dédiée au cardinal Du Bellay, est datée de février 1549 ; mais, comme l’année ne commençait alors qu’à Pâques, il faut lire février 1550. Enfin son Olive parut vers la fin de cette même année 1559 ou au commencement de la suivante, à peu près en même temps que les premières poésies de Ronsard, lequel pourtant demeura le promoteur et le chef reconnu de l’entreprise : Du Bellay n’en fut que le premier lieutenant.

Le premier recueil de Du Bellay, si précipitamment publié en 1549, faillit ruiner son amitié avec Ronsard, et l’a fait accuser d’avoir dérobé son ami. Le détail de cette petite querelle intestine est resté assez obscur. Bayle, d’après Claude Binet, nous dit dans son article