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d’évènemens auxquels l’histoire n’accordera probablement pas l’immense importance qui leur fut attribuée par la frayeur des uns et la politique des autres.

Les universités étaient, comme on l’a dit plus haut, le foyer de ce sentiment de patriotisme exalté qu’on a désigné par le nom de teutonisme[1] : ce n’était guère que là que s’était conservé dans toute sa pureté l’esprit de 1813, et qu’on prenait encore au sérieux les rêves, si bien déjoués par la diplomatie, d’unité nationale et de régénération germanique. Le 18 octobre 1817, un grand nombre d’étudians d’Iéna, de Halle et de Leipzig se réunirent à la Wartbourg, vieux château célèbre par le séjour de Luther, pour fêter à la fois le troisième jubilé séculaire de la réformation et l’anniversaire de la bataille de Leipzig. Cette fête, assez paisible le premier jour, prit, les jours suivans, un caractère de plus en plus séditieux ; on y brûla solennellement des écrits considérés comme hostiles à la cause de la liberté allemande, on y déploya le drapeau à trois couleurs[2] du saint-empire, comme symbole de l’unité germanique ; on y tint des discours pleins de déclamations boursoufflées contre les fauteurs d’une politique anti-nationale ; puis pourtant chacun s’en retourna tranquillement chez soi. Cette manifestation ne prouvait qu’une chose connue de tout le monde, à savoir, que la surexcitation produite dans la jeunesse des écoles par la part qu’elle avait prise aux grands évènemens des dernières années n’était pas encore dissipée ; mais on en exagéra beaucoup l’importance et la gravité. On s’inquiéta outre mesure du teutonisme des universités, ainsi que du projet qui y avait été formé de remplacer par une association générale (Allgemeine Burschenschaft) les associations particulières usitées parmi les étudians, afin de resserrer les liens de la fraternité nationale et de substituer au patriotisme local un sentiment énergique de l’unité de la patrie allemande. Quoique cette association n’eût rien que de public, car elle ne devint secrète que lorsqu’elle fut prohibée et poursuivie, on n’en aimait ni le but ni la forme, et il est certain que ces appels répétés à l’unité étaient une protestation incessante contre l’œuvre du congrès de Vienne. De nouveaux incidens vinrent augmenter la méfiance d’une part, l’irritation de

    vait tenir sa promesse sans compromettre la sûreté de son royaume et celle de toute l’Allemagne.

  1. En allemand, Deutschthuemelei.
  2. Noir, rouge et or. Ces trois couleurs, suivant un fanatique d’alors, représentaient le lever d’une aurore couleur de sang et d’or dans la nuit d’hiver de l’esclavage.