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que pour son pays, qui n’a d’idole que son art et non pas sa fortune, d’arbitre que sa raison, et de maître que sa volonté. Ajoutons un dernier trait qui peindra ce grand architecte mieux que toutes nos paroles. M. Percier avait acquis par tant de travaux une fortune honorable qu’il eût pu rendre énorme, si, avec sa renommée qui était immense, il eût employé ses loisirs, au lieu de restaurer sur le papier l’hôpital de Milan ou la basilique de Vicence, à bâtir sur le pavé de Paris des ministères et des bazars. Mais, en devenant riche, il ne fut pas plus esclave de la fortune qu’en d’autres temps il ne l’avait été de sa pauvreté. Il ne changea jamais rien à ses habitudes ; il garda ses goûts simples et ses mœurs austères ; il vieillit avec les mêmes principes et avec les mêmes amis ; il vécut enfin, comme s’il n’avait pas cessé d’être pauvre, en travaillant comme s’il en eût toujours eu besoin pour vivre, et il laissa cent mille francs à cette école gratuite de dessin, où les enfans du peuple reçoivent cette première éducation de l’artiste dont il avait senti la nécessité ; ajoutant ainsi à un grand bienfait une grande leçon, et léguant à cette école plus encore qu’une partie si considérable du fruit de ses travaux, l’exemple de sa vie entière, d’une vie toute de travail et d’étude, toute d’indépendance et d’honneur.


Raoul-Rochette.