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POLITIQUE EXTÉRIEURE.

Aujourd’hui, toutefois, l’occasion de parler et d’adopter des résolutions définitives en est devenue d’autant plus pressante. La portée du traité est à présent plus manifeste et plus généralement comprise. Son exécution violente et le dédain ou la mauvaise foi avec lesquels on a reçu les efforts que la France a faits pour réaliser, avant qu’on recourût à la force, le but prétendu du traité, sont venus combler la mesure de ses griefs. La France, d’ailleurs, ne peut voir sans douleur la ruine d’un prince pour lequel elle a toujours avoué ses sympathies, et à l’égard duquel elle a contracté des obligations sérieuses par les conseils de modération qu’à deux reprises et à la suite de deux victoires, elle prit sur elle de lui faire accepter ; elle ne peut, sans se déshonorer, demeurer passive, quand cette modération même devient pour lui une cause de ruine. Elle ne doit pas tarder plus longtemps à lui donner tout l’appui qui sera compatible avec l’intérêt de la France et le respect invariable qu’elle veut observer pour l’autorité souveraine du sultan.

Il est deux sortes d’appuis que la France peut donner au pacha l’un, par la force, par sa flotte et ses armes dans le Levant, moyen qui est la guerre européenne, entreprise sur le terrain qui offre à la France les chances les moins avantageuses, l’autre qui, avant de recourir à la force, tend à épuiser d’abord toutes les ressources d’une diplomatie bien entendue, et à se préparer ainsi une guerre juste, s’il faut faire la guerre. La rupture de l’alliance anglo-française étant la conséquence du traité, rétablir cette alliance serait détruire aussitôt le traité même ; ce serait d’un seul coup mettre fin à toutes les difficultés et à tous les dangers.

Ce n’est point à Alexandrie que la France doit diriger les coups destinés à briser le traité, c’est à Londres, où se trouve la puissance qui fait toute la force de la Russie, et celle dont la réunion à la France peut seule déjouer ses complots. Ne craignez pas d’ailleurs de laisser le pacha pour un temps à ses propres forces. Les mesures de contrainte employées aujourd’hui sont insuffisantes pour le réduire.

La France doit se hâter de protester de la manière la plus explicite contre le traité, et mettre au jour la politique secrète dont il est l’œuvre, ainsi que les conséquences fatales qu’il entraîne. Elle n’a aucun autre moyen d’en empêcher l’exécution. Désunir les puissances qui l’ont signé, en amener une à le rompre, en lui montrant le piége et les dangers, tel doit être le but de la France.

Toute autre mesure mène à la guerre, que la France veut éviter, la guerre contre quatre puissances !