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et legs pieux[1], ne put suffire à ces distributions. Le peuple d’Athènes lui attribua une très large part des contributions de guerre fournies par les alliés[2], se partagea cet argent au théâtre, en présence même des confédérés[3], et défendit, sous peine de mort, de proposer, en aucun cas, d’appliquer les fonds de cette caisse, qu’elle regardait comme sienne, à l’entretien des flottes ou de l’armée[4]. Ainsi le peuple d’Athènes, qui se faisait payer pour toutes choses, recevait un salaire, même pour assister aux spectacles ! La distribution du Théorique était une espèce de jeton de présence[5], dont l’appât fit, suivant Plutarque, que jamais gradins de théâtre ne furent aussi bien garnis que ceux d’Athènes[6]. Ce régime abusif, aggravé encore par Argyrrhius, qui acquit par ce moyen la plus grande popularité[7], ne fut aboli, sur la proposition d’Hégémon, qu’entre la seconde année de la 110me olympiade et la troisième de la 112e, c’est-à-dire quand la pénurie complète du trésor l’aurait toute seule aboli. Si l’on trouve encore postérieurement à cette époque des traces de distributions théoriques à Athènes[8], c’est que, toutes les fois que la démocratie recouvra dans cette ville une ombre de pouvoir, elle ne manqua pas de faire revivre ce honteux usage, qui lui était si profitable[9].

À Rome, les spectacles publics, ceux qui se liaient au culte national et qui se célébraient pour le salut du peuple, étaient défrayés en partie par les édiles ou les préteurs, en partie par un fonds spécial, ludiaria pecunia, administré d’abord par les pontifes[10], puis par un officier de l’empereur, nommé Ab argento scenico ma-

  1. Boeckh., Corpus inscript., n. 2741.
  2. Isocrat., De Pace. — Poll., lib. VIII, § 113.
  3. Demosth., in Mid., pag. 637. — Aristoph., Acharn., 504 ; Schol., ibid.
  4. Liban., Argum. in Demosth. Olynth. i, pag. 14. — Dans la quatrième année de la 106e olympiade, l’orateur Apollodore encourut une amende de quinze talens pour une infraction à cette loi, dont la pénalité avait apparemment été modifiée.
  5. Les absens ne touchaient pas le Théorique. Hyperid., ap. Harp., voc. θεωρικὸν.
  6. Plutarch., De Sanit. tuend., pag. 372.
  7. Xenoph., Hellen., lib. IV, cap. VIII, § 31. — Diod., lib. XIV, § 99. — Le démagogue Démade, pour faire manquer un armement destiné à protéger la Grèce contre Alexandre, osa proposer de convertir les fonds réservés pour cet objet en une distribution de cinquante drachmes par tête.
  8. Aristid., in Apolog.
  9. Un écrivain anglais a employé plusieurs pages de l’Edimburgh Review à l’apologie de la destination des fonds théoriques à Athènes. Il soutient que l’inviolabilité de cette caisse pacifique était une heureuse barrière qui protégeait le budget des arts et des sciences contre l’envahissement des dépenses militaires. Il oublie que ce régime a causé la ruine des arts en même temps que celle de l’état.
  10. C’est par suite de cet usage que nous voyons à Aphrodisias, après la conquête romaine, la gestion de l’argent destiné aux jeux confiée à Ulpius Apulcius Euryclès, premier pontife de l’Asie. Boeckh., ibid., n. 2741.