Page:Revue des Deux Mondes - 1840 - tome 24.djvu/448

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
444
REVUE DES DEUX MONDES.

sonnes ayant un droit permanent ou temporaire à des places réservées et gratuites, telles que certains magistrats et les fondateurs ou les restaurateurs de l’édifice. Les tessères qui constataient le droit d’assister au spectacle sans rétribution s’appelaient σύμβολα. Quelquefois aussi les gens riches qui voulaient pour un jour se faire éditeurs de spectacles et s’épargner les embarras attachés à cette prétention, achetaient d’un entrepreneur tout ou partie des places de son théâtre et les distribuaient à leur gré[1]. Seulement, les lois à Rome avaient imposé de certaines limites à cette libéralité, afin d’empêcher les largesses théâtrales de dégénérer en brigues[2]. Les gradins souvent nombreux loués par les grands pour le peuple s’appelaient loca gratuita [3].

Enfin, on connaissait même, chez les anciens, ces espèces de courtiers que nous nommons vendeurs de billets. Les jours de grandes représentations, de pauvres gens occupaient, de bonne heure, des places qu’ils cédaient ensuite aux personnes riches ; on donnait le nom de locarii à ceux qui se livraient à ce trafic. Martial, parlant d’un gladiateur en vogue, l’appelle divitiœ locariorum, la fortune des vendeurs de places[4].

La nature et la configuration même des théâtres de l’antiquité prouvent que ces enceintes découvertes n’étaient destinées qu’à des spectacles de jour. En effet, on ne trouve, je crois, en Grèce, aucune trace de représentations exécutées la nuit et aux lumières, quoiqu’il y eût dans les fêtes religieuses, et notamment dans les mystères, diverses cérémonies nocturnes. Il en fut autrement en Italie, mais seulement sous les empereurs, quand la satiété de tous les plaisirs eut fait naître un besoin effréné de nouveautés. Du temps de Tibère, les spectacles se prolongeaient déjà assez tard pour que de jeunes esclaves dussent reconduire avec des torches ceux qui sortaient du théâtre[5]. Caligula, qui essaya de toutes les sortes de jeux scéniques, en donna même pendant la nuit, et nocturnos. En ces occasions, on illuminait la ville entière[6].

Dans les Quinquatries, instituées par Néron en l’honneur de Minerve, comme les Panathénées à Athènes, il y eut des spectacles de nuit, « afin, murmuraient les vieux Romains, qu’il ne restât aucun asile à la pudeur[7]. » Cependant des juges moins sévères

  1. Cicer., Pro Muren., cap. XXXIV, cap. 72
  2. id., ibid., § 73.
  3. Sueton., Caligul., cap. XXVI.
  4. Martial., lib. V, epigr. 25, v. 9
  5. Dio, lib. LVIII, cap. XIX.
  6. Suet., Caligul., cap. XVIII.
  7. Tacit., Annal., lib. XIV, cap. XX.