Page:Revue des Deux Mondes - 1840 - tome 24.djvu/451

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
447
REVUE. — CHRONIQUE.

sommes persuadés que, le cas échéant, M. Thiers pourra donner des preuves irrécusables et frappantes de la politique sensée, prévoyante, honnête et digne, qu’il n’a pas cessé de suivre dès le premier jour où la question d’Orient a dû fixer son attention.

Le cabinet du 29 octobre s’est chargé d’une tâche qui, selon le point de vue où l’on se place, peut paraître trop facile ou trop difficile.

S’agit-il de maintenir sérieusement, de continuer sans la fausser la politique du 8 octobre ? tout est bien : le rôle est facile pour des hommes fermes, résolus ; seulement il ne sera pas aisé d’expliquer pourquoi ce rôle a dû être joué par d’autres acteurs que ceux qui l’ont créé.

S’agit-il d’abandonner plus ou moins habilement la politique du 8 octobre ? le rôle serait difficile ; hélas ! il serait plus que difficile.

Empressons-nous d’ajouter que nous ne supposons à personne un projet de cette nature. Nous sommes convaincus que la note du 8 octobre, que cet acte si mûrement délibéré, si solennel, est devenu la base, pour tout le monde, de notre politique à l’endroit de l’Orient. Par la note du 8 octobre, nous entendons la possession héréditaire de l’Égypte dans la famille de Méhémet-Ali, et une transaction honorable pour le reste.

Certes, ce n’est pas nous qui pourrions soupçonner le maréchal Soult, et M. Guizot, et M. Villemain, et le brave amiral Duperré, de vouloir substituer à la politique du 8 octobre une politique de honte et de faiblesse. Loin de là : nous croyons fermement que le nouveau ministère n’hésitera pas à faire sienne la politique de ses prédécesseurs, à le déclarer formellement devant les chambres, et à se montrer toujours prêt à faire de cette politique une question de cabinet. Qu’on se demande, en effet, où irait la France en se retirant en arrière de la ligne tracée par le memorandum et la note du 8 octobre, en arrière de cette ligne que nul n’a pu taxer de trop avancée, et que les amis les plus sincères de la paix ont formellement reconnue comme nécessaire à l’équilibre européen et à la dignité de la France. Les étrangers eux-mêmes, les signataires du traité du 15 juillet, ont été forcés d’avouer que le gouvernement français, en résumant sa politique dans la note du 8 octobre, n’avait rien fait d’excessif, rien dit d’incompatible avec son désir sincère de maintenir une paix honorable, rien avancé qu’un gouvernement fort et modéré ne dût soutenir jusqu’au bout. Aussi ont-ils cherché à pallier le décret de déchéance lancé contre Méhémet-Ali ; ils l’ont attribué à l’ardeur par trop belliqueuse du divan ; ils ont donné à entendre que, si le vice-roi était bien sage, il pourrait être relevé de cette nouvelle disgrace. Évidemment le décret du sultan n’était qu’une émanation fort directe des conventions signées à Londres. Qu’importe ? Le langage des puissances prouve qu’elles ne peuvent se dissimuler l’énormité de la mesure, et dès-lors il est évident que la politique de la France, telle qu’elle a été résumée dans la note du 8 octobre, bien loin de devoir être taxée d’exagération, pourrait à la rigueur être accusée de quelque mollesse. La France s’est placée sur une ligne que les signataires du traité de Londres reconnaissent eux-mêmes avoir été franchie, en paroles