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REVUE LITTÉRAIRE.

Dante, nouvelle traduction. — Les anciens Traducteurs. — Dante est évidemment le plus grand poète des temps chrétiens, comme Homère est le plus grand poète des temps païens. La Divine Comédie est la sœur de l’Odyssée, littérairement et théologiquement, car l’Odyssée résume toute la théologie du paganisme, de même que la Divine Comédie résume toute la théologie du christianisme. Il est bien difficile d’expliquer le poème moderne à qui ne comprend pas parfaitement le poème ancien, et, quelque étrange que cela paraisse à dire, bien peu de gens le comprennent. En tête de ceux qui ne le comprennent pas, il faut, comme de raison, placer les traducteurs.

Il est donc important et urgent, pour les lettres françaises, qu’il se publie une traduction de l’Homère grec, ancien, authentique, et non plus de l’Homère francisé et modernisé du XVIIe et du XVIIIe siècle. C’est possible aujourd’hui, parce que les études historiques de ces vingt dernières années ont ouvert le sens de l’antiquité ; ce n’était pas possible autrefois, parce que le sens moral, religieux, domestique, on peut même dire littéraire, de l’ancienne Grèce n’était pas suffisamment connu. Racine avait assurément les qualités d’un grand poète, et il savait parfaitement le grec, mais il en savait peut-être beaucoup plus la lettre que l’esprit. En attendant qu’Homère soit expliqué dans toutes ses curiosités et dans toutes ses magnificences natives, nous sommes charmés d’annoncer au public lettré une traduction de Dante, son frère et certes son égal en poésie. Si notre opinion peut être de quelque poids en ceci, nous n’hésitons pas à dire que cette traduction nous paraît incomparablement la meilleure de toutes celles qui ont été faites.

Il y a deux sortes de difficultés, toutes deux fort grandes, à une traduction de Dante ; nous allons tâcher de les faire comprendre. La première espèce s’applique plus particulièrement à ce qu’on pourrait nommer des difficultés de mots, la seconde à ce qu’on pourrait nommer des difficultés d’idées.

La Divine Comédie est datée de l’an 1300. Elle a donc été composée pendant les dernières années du XIIIe siècle, quelques années après la chronique de Joinville. Or, ce qui est arrivé en France depuis cette époque est arrivé à peu près également partout, c’est-à-dire que la langue a changé. De même que la langue de Joinville n’est pas celle de Voltaire, de même la langue de Dante n’est pas celle de Metastasio. Qui comprend la dernière ne comprend pas pour cela la première. Nous ne voudrions pas affirmer que le changement ait été aussi grand dans la langue italienne que dans la langue française ; mais il a été néanmoins assez grand pour arrêter quiconque n’a pu faire une étude littéraire et savante de l’italien de Dante et de Pétrarque. Ainsi, tous ceux qui ont appris assez d’italien pour lire Metastasio, Manzoni, Ugo Foscolo, et