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DE L’ÉQUILIBRE EUROPÉEN.

menacés par les tentatives révolutionnaires ; à partir de 1830, elle eut à parfaire une œuvre plus difficile. Cette conférence fut appelée tout à coup à concilier les intérêts les plus opposés, à transiger entre les principes les plus hostiles ; elle dut enfin, selon un mot heureux, asseoir la paix de l’Europe en équilibre sur une révolution.

La crise de 1830 fut sans doute la plus grande épreuve qu’eut à subir la paix du monde. La guerre semblait alors également inévitable, soit qu’on mesurât les conséquences politiques de cette révolution, soit qu’on observât les instincts de ceux qui l’avaient consommée. Elle renversait en France un établissement dans lequel l’Europe voyait la sanction même du dogme politique qu’elle s’efforçait de proclamer. Son contre-coup abîma cette monarchie des Pays-Bas, la plus grande conception du traité de Vienne, et dans laquelle s’étaient résumées toutes les craintes et toutes les antipathies de 1815. La Belgique avait à peine secoué le joug étranger, que déjà l’Allemagne et l’Italie s’agitaient pour naître enfin à la vie politique, et que la Pologne soulevait la pierre du sépulcre sous laquelle on la croyait ensevelie pour jamais.

Lorsqu’une institution résiste aux innombrables obstacles contre lesquels eut à lutter la conférence de Londres dans le règlement de la question hollando-belge, il est permis de la proclamer toute-puissante, et l’on acquiert le droit de penser que le système de transaction si heureusement employé pour dénouer des difficultés qui en tout autre temps auraient été réputées insolubles, pourrait suffire à toutes les conjonctures, s’il continuait à être appliqué aujourd’hui avec la sincérité qui fit sa force en 1831 et 1832.

La France de 1830 manqua-t-elle à sa révolution et à elle-même en persistant à garder dans l’alliance des cinq puissances la place qu’y avait prise le gouvernement de la branche aînée des Bourbons, et ne fit-elle pas, en résistant à ses propres entraînemens, une chose honorable autant que politique ?

Des chances heureuses s’offraient sans doute pour commencer une guerre favorisée par des diversions puissantes, et que la sympathie alors déclarée de l’Angleterre permettait peut-être d’entreprendre sans témérité ; mais quel n’eût pas été l’effet d’une telle excitation sur le gouvernement que la France venait de se donner ! Comment ce gouvernement se fût-il assis sur les intérêts matériels qui font sa force, s’il avait dû, au dedans comme au dehors, faire appel aux sympathies les plus ardentes et les plus aveugles ? Il devait craindre l’enivrement de ses victoires aussi bien que le contrecoup de ses défaites. Faible