Page:Revue des Deux Mondes - 1840 - tome 24.djvu/590

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
586
REVUE DES DEUX MONDES.

Madrid, à combiner avec lui un système d’opérations contre la capitale. C’est du moins ainsi que les généraux constitutionnels interprétèrent son mouvement, car ils réunirent tous leurs efforts pour l’empêcher de passer le Tage ; il est certain aussi qu’il fit un jour une démonstration comme pour se porter sur ce fleuve, et qu’il revint immédiatement sur ses pas, en présence des forces supérieures qui lui fermaient le passage.

Ce plan, s’il a réellement existé, fut déjoué par le peu de succès de l’expédition de Sanz. Ce chef s’obstina, sans doute sur les ordres de don Carlos, à tenter dans la Galice et dans les Asturies ce que Gomez n’avait pu y faire. Ce second effort échoua encore plus complètement que le premier. Sanz n’était pas homme à réussir où Gomez avait été impuissant. On disait dans les Asturies que Gomez faisait des carlistes et Sanz des patriotes ; Gomez hacia carlistas y Sanz patriotas. Battu à Salas de los Infantes, Sanz abandonna la partie. Gomez, déçu dans ses espérances, fut obligé de se replier en Estramadure ; il y donna des armes à de nombreux partisans, mais il ne put s’y établir lui-même ; il fut ramené, quoi qu’il en eût, en Andalousie, d’où il comptait bien pourtant ne pas revenir.

Le seul avantage qu’il retira de son mouvement sur Truxillo, ce fut de se séparer de Cabrera. N’ayant pas pu passer pour se rendre dans son pays par les royaumes de Jaen et de Grenade, qui étaient occupés par l’ennemi, le chef aragonais avait suivi Gomez en Estramadure. Un dernier conseil de guerre avait été tenu à Truxillo ; Cabrera y demanda que le corps expéditionnaire marchât tout entier au secours de sa place d’armes de Cantavieja, assiégée par San-Miguel. Sur le refus de Gomez, il était parti seul avec ses cavaliers, et s’était dirigé sur le haut Aragon en traversant le centre de l’Espagne. Il trouva, en arrivant, ses craintes réalisées, sa ville prise, ses troupes dispersées, et les prisonniers de Jadraque délivrés. Il voulut alors se jeter dans les provinces basques, mais il fut surpris par Iribarren au moment de passer l’Èbre, et son escorte fut détruite. Lui-même eut la plus grande peine à s’échapper, et fut obligé de rester quelque temps caché chez un vieux prêtre qui l’accueillit fugitif et blessé. Ces désastres accrurent nécessairement son irritation contre Gomez, qu’il se croyait en droit d’en accuser, et c’est de cette époque que datèrent sans doute les premiers rapports qu’il adressa au quartier royal contre ce chef, et qui provoquèrent plus tard la procédure dirigée contre lui.

Pendant que Cabrera se plaignait ainsi de Gomez, l’Espagne con-