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reconnaît, a beaucoup varié sur la manière de se représenter la vie future. Le philosophe d’Athènes, comme le remarque encore Heyne[1], a écrit sur les enfers les choses les plus diverses, et toujours il déclare s’appuyer sur un mythe. On ne traitera pas ce procédé de fantaisie, si l’on songe que Platon n’avait pas moins de justesse dans l’esprit que de richesse dans l’imagination. Platon savait fort bien que, sur la vie qui peut attendre l’homme au sortir de la terre, il n’était guère possible de dogmatiser d’une manière sûre et définitive ; aussi s’attachait-t-il à dégager tout ce qu’il y avait de vraisemblable et de beau dans les imaginations populaires, et avec ces poétiques élémens il élevait, non pas la vérité, mais de magnifiques hypothèses dont la variété et la contradiction rehaussaient encore le prix à ses yeux. Eût-on voulu que le divin disciple de Socrate n’eût sur un tel sujet qu’un point de vue, qu’une seule inspiration ? Nous l’aimons mieux quand il donne un libre cours à la fécondité de son génie, et quand des plis de son manteau grec il laisse tomber d’inépuisables enchantemens pour la crédulité humaine. Platon échappe donc aussi bien que Virgile à la critique de M. Leroux, quand elle cherche des complices de ses opinions. L’auteur sera-t-il plus heureux avec Pythagore ? Pythagore ! celui de tous les philosophes de l’antiquité dont la doctrine et la vie sont le plus obscures ! On discute encore pour savoir où et quand il est né, s’il se forma à l’école de Thalès et d’Anaximandre, ou à celle des prêtres de l’Égypte ; dans l’antiquité, les uns prétendaient qu’il n’avait rien écrit[2], les autres citaient les titres de ses ouvrages. On a toujours été réduit aux conjectures sur les véritables dogmes de sa philosophie. M. Leroux lui-même avoue que Pythagore se trouve le philosophe de l’antiquité le plus difficile à comprendre, et qu’il ne sera compris que lorsque la doctrine de la perfectibilité aura pris les développemens nécessaires. Pythagore, suivant M. Leroux, a eu l’idée de perpétuité de l’être, de persistance et d’éternité de la vie, et en même temps l’idée de mutabilité de la forme, ou de changement dans les manifestations de la vie. Or, toujours selon M. Leroux, cette double idée conduit à la doctrine moderne de la perfectibilité, de telle façon que Leibnitz et

    tum alia ex superstitione vulgari, cum qua convenisse videntur nonnulla in Teletis, immiscuisse, quod poetam epicum facere fas erat. (Heyne. excursus XIII ad librum VI).

  1. Ter vel quater hunc sermonem (de inferis rebus) instituit Plato, diversis quidem modis, at ubique mythum se afferre profitetur. (Ibidem.)
  2. Diogenis Laertii, lib. VIII, cap. 4, § V.