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SIMONE.

Toujours du moins lorsque l’on aime,
Car autrement le bonheur même
Est sans espoir ni souvenir ;
Nos amoureux, assis par terre,
Commencèrent à deviser,
Entre le rire et le baiser,
D’un bon dîner qu’ils voulaient faire
En ce lieu même, à leur loisir ;
La place leur devenait chère,
Il leur fallait y revenir.
Tout en jasant sous la verdure,
Le jouvenceau, par aventure,
Prit une fleur dans un buisson ;
Quelle fleur, le pauvre garçon
N’en savait rien, et je l’ignore.
N’y pouvant croire aucun danger,
Il la porta, sans y songer,
À sa lèvre, brûlante encore
De ces baisers si désirés
Et si lentement savourés.
Puis, revenant à la pensée
Qu’ils avaient tous deux caressée,
Il parla d’abord quelque temps,
Tenant cette herbe entre ses dents ;
Mais il ne continua guère
Que le visage lui changea.
Pâle et mourant, sur la bruyère
Tout à coup il se souleva,
Appelant Simone, et déjà
Entouré de l’ombre éternelle ;
Il étendit les bras vers elle,
Voulut l’embrasser, et tomba.
Bien que ce fût chose trop claire
Qu’il eût ainsi trouvé la mort,
La pauvre Simone d’abord
Ne put croire à tant de misère
Que d’avoir perdu son ami,
Et le voir s’en aller ainsi
Sans une parole dernière.
Tremblante, elle courut à lui,