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tous les charmes du style et mêlée de temps à autre de digressions néoplatoniciennes, les notes marginales de Jean de Serres, destinées à rendre au lecteur un service analogue sous une forme plus modeste, et les argumens à peine médiocres écrits en latin par Tiedemann, enfin quelques autres tentatives du même genre, n’ont rien de commun avec ces belles introductions philosophiques de M. Cousin. M. Cousin a fait tout autre chose qu’un sommaire ; il a donné, des doctrines de Platon contenues dans chacun des dialogues, une exposition originale dans sa fidélité, plus rapide, plus régulière, plus rapprochée de nos expressions et de nos habitudes modernes, mais toujours animée et souvent éloquente ; et, en pénétrant jusqu’au fond de ces hautes théories, il en a déterminé l’importance et la valeur avec le respect d’un disciple et l’impartialité d’un juge. Ce sont là de véritables argumens philosophiques, débarrassés de toutes ces subtilités, de toutes ces longueurs des commentateurs ordinaires, éclairant le texte au lieu d’en reproduire la lettre, et le rapprochant d’abord de nous, pour que nous puissions ensuite le comprendre et le juger sous sa forme antique dans toute sa pureté. J’ai déjà parlé de l’argument des Lois, qui est un livre, et de celui du Gorgias. Dans l’argument du Théétète, où se trouve exposée la nature de la science, dans celui du Philèbe, sur la peine et le plaisir, et ensuite sur le souverain bien ; dans celui du Phédon, où il discute la théorie de la réminiscence, M. Cousin fait entrevoir des conséquences que Platon lui-même n’a pu soupçonner ; et en montrant ainsi, par la critique et l’histoire, la tendance du système, il en fait comprendre la nature et mesurer la portée. Le Phèdre, le Ménon, le Parménide, le Timée, la République, n’ont pas d’argumens ; cela nous manque encore, ainsi que l’introduction générale, travail immense qui doit compléter tant d’autres travaux. C’est là un sujet vraiment fait pour M. Cousin. Il appartient à l’auteur des argumens philosophiques, au chef d’une école qui a renouvelé le spiritualisme et l’histoire de la philosophie, de reprendre tout ce système de Platon, de l’exposer dans son ensemble, en marquant le lien de ses parties diverses, d’en faire comprendre la grandeur, et de montrer enfin une grande et belle unité dans cette philosophie où l’on refuse de reconnaître un système ; une observation profonde, quoique incomplète, des penchans et des besoins de l’homme, là où l’on ne veut voir qu’un jeu de l’imagination ; en un mot, une intelligence complète de la nature et des besoins de la science dans ces mêmes livres, où des esprits prévenus et superficiels ne découvrent que des utopies. Après cette activité