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DÉBATS PARLEMENTAIRES.

lennelles, le sens véritable et la portée du traité de Londres ; elle connaît peut-être les causes accidentelles de sa conclusion, mais elle n’est point fixée sur les motifs déterminans de la politique nouvelle inaugurée par cet acte ; enfin, la négociation s’est moins déroulée à ses yeux dans son esprit et sa vérité, que dans le sens des intérêts personnels qu’un fatal concours de circonstances avait engagés dans cette affaire.

Si celle-ci s’était traitée au sein du parlement britannique, si la convention du 15 juillet avait été conclue entre la Russie et la France, en dehors et au détriment des plus chers intérêts de l’Angleterre, combien de temps pense-t-on que le parlement eût consacré aux récriminations individuelles et aux vues rétrospectives sur la politique des précédens cabinets ? Eût-il placé le nœud de la difficulté dans le passé plutôt que dans l’avenir, et pense-t-on qu’il se fût plus inquiété du soin de signaler des fautes que de celui de chercher des remèdes ?

Soyons juste toutefois envers la chambre, et ne lui imputons pas un tort qui est malheureusement celui de la situation elle-même. L’ordre intérieur est en France si mal affermi, la lie des passions remonte si vite à la surface au moindre souffle de l’orage, et l’entraînement des accidens l’emporte tellement parmi nous sur la permanence des desseins, que de telles préoccupations sont inévitables. Depuis dix ans, toute négociation de nature à se résoudre par la guerre a rencontré devant elle une question préalable qui a fini par la dominer, et les problèmes les plus élevés se sont abaissés presque toujours au niveau d’une question d’émeute. Nous foulons aux pieds un sol qui tremble, et il est difficile que cet ébranlement ne nuise pas à l’appréciation haute et sereine des faits.

La question d’Orient a pris pour la chambre et pour le pays le caractère qu’avaient antérieurement revêtu tous les débats de même nature. Les deux hommes éminens dans lesquels se sont en quelque sorte incarnés les deux points de vue de cette grande affaire, ont bien moins trouvé leur force dans les raisons d’un ordre diplomatique sur lesquelles ils étaient l’un et l’autre en mesure de s’appuyer, que dans les sympathies politiques groupées autour d’eux et si puissamment suscitées par leur parole.

Nous faisons cette remarque moins pour accuser la chambre que pour constater l’empire des préoccupations qui la dominent. Cet empire, nous le subissons nous-même, et nous ne comprendrions pas qu’il fût possible de s’en défendre. Les questions politiques ne sauraient être traitées abstraction faite du milieu social dans lequel elles