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viction intime, et nous pourrions au besoin appuyer un avis sans aucun poids par lui-même sur les plus imposantes autorités. Mais la guerre fût-elle sortie de ces mesures prudemment combinées, qu’alors, appuyée sur l’honneur et sur le droit, elle eût été mille fois préférable et à la paix qui nous est faite, et aux hasards dont nous étions menacés. Notre supériorité, du moins temporaire, dans la Méditerranée n’a pas été contestée dans la discussion ; elle nous permettait de nous établir en force sur le théâtre des évènemens. Si un conflit fatal devait sortir plus tard de dispositions légitimées par la prudence et par le droit commun des nations, nous étions dès-lors en mesure d’attendre l’ennemi derrière nos frontières, au lieu de le menacer sur le Rhin et sur les Alpes en engageant la Sardaigne et la confédération germanique tout entière dans une querelle sortie d’un traité pour un règlement de limites en Syrie.

La solution de la question d’Orient a été perdue pour la France du jour où, derrière le traité du 15 juillet, une portion de la presse française a fait apparaître les traités de 1815, et lorsque nous avons semblé vouloir faire, dans des conditions moins favorables, ce que nous avions refusé lorsque la Belgique, la Pologne et l’Italie nous tendaient les bras, et que la neutralité de l’Angleterre ouvrait du moins des chances à une lutte égale. Ici nous n’accusons pas le cabinet, qui a souffert sans nul doute plus que personne de la direction si imprudemment imprimée à l’opinion ; nous constatons seulement un fait dont il a été, nous le reconnaissons, bien moins responsable que victime. L’opinion européenne, qui eût applaudi à tout acte de résolution fait en temps utile en Orient, s’est soulevée à la tardive provocation que la France jetait au monde pour se venger de ses déboires diplomatiques. Nos neuf cent trente mille hommes du printemps prochain auraient trouvé l’Europe tout entière en armes, en face d’eux, évoquant les souvenirs de 1813 et ne s’inquiétant pas d’une excitation factice qui eût difficilement compensé par son énergie les embarras qu’elle nous aurait créés. Placée entre une guerre révolutionnaire entreprise sans fanatisme et une lutte régulière soutenue sans alliance et sans aucune chance sérieuse de succès durable, l’opinion n’aurait pas donné au gouvernement cette force qu’elle emprunte elle-même ou à l’entraînement des passions, ou au sentiment profond du droit.

On sait d’ailleurs quelle cruelle déception devait bientôt saper par sa base ce plan déjà si hardi par lui-même. La Syrie soumise sans résistance, Acre tombé, le pacha traitant dans Alexandrie sous le