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DÉBATS PARLEMENTAIRES.

diplomatique la conquête de vaines stipulations relatives à Constantinople, stipulations qui se briseraient bientôt contre la puissance de faits invincibles. Elle résistera à la tentation de rentrer accessoirement dans la conférence qui a cru pouvoir se passer d’elle. Son isolement sera sérieux et digne, comme son repos sera fécond pour sa force et son avenir.

C’est ainsi que nous comprenons la paix armée, et c’est ainsi, nous n’hésitons pas à le dire, que la chambre presque entière l’a comprise. Si une interprétation moins nationale et moins politique était donnée à ce système, l’opinion s’élèverait bientôt pour protester contre elle. Il importe d’être bien fixé sur l’impression dominante que le grand débat de l’adresse a laissée dans le parlement et dans le pays. Non, la chambre ne voit pas l’Europe à l’état de coalition permanente contre nos institutions intérieures. C’est là un lieu commun que son bon sens répudie ; elle sait très bien qu’il faudrait des provocations fort directes de notre part pour que l’Europe se décidât à prendre contre nous l’initiative d’une agression. Elle n’est donc nullement alarmée pour la sécurité du gouvernement de 1830, qui peut bien nous ôter des alliances, mais ne nous suscitera jamais d’hostilités ouvertes ; ce n’est pas pour sa révolution que la France s’inquiète aujourd’hui ; ce qu’elle redoute, ce qui lui est apparu comme manifeste dans le cours de ce débat solennel, c’est l’abaissement de son influence et de sa dignité de grande nation ; ce qu’elle porte au plus profond de son cœur comme une incurable blessure, c’est le sentiment de son alliance méprisée, soit qu’on l’ait estimée d’un prix bien faible, soit que dans une insultante confiance on ait compté la retrouver toujours sous la main. La France ne pardonnera jamais au cabinet britannique l’initiative d’une telle rupture. C’est de ce côté, et de ce côté seul, que vont les irritations populaires et les préoccupations de l’avenir ; c’est vers ce point que doivent se diriger toutes les sollicitudes du pouvoir, car un pouvoir n’est fort dans les jours difficiles qu’en sachant dégager et comprendre ce qu’il y a de profond et de légitime jusque dans les plus vagues émotions du pays.


L. de Carné.