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longue à s’accomplir : il fallut se rendre ; la forteresse fut démantelée, et les prisonniers allèrent, avec Jean Knox lui-même, ramer sur les galères du roi de France.

À la même époque s’élevait, dans une petite île au milieu du lac sauvage de Menteith, une jeune enfant, héritière de la redoutable couronne d’Écosse ; c’était Marie Stuart. Sa mère, catholique, Marie de Lorraine, l’avait placée dans le monastère isolé d’Inchma-home, pour la soustraire aux dangers que la guerre civile et la révolte protestante semaient sur ce misérable pays[1]. « Estant aux mamelles tettant, sa mère l’alla cacher, dit Brantôme, de peur des Anglais, de terre en terre d’Écosse. » Pendant que le futur propagateur de l’hérésie calviniste ramait sur les galères de France, celle qui devait soutenir contre lui le combat du catholicisme et succomber cachait son berceau dans un vieux couvent, au milieu d’un lac. Elle avait cinq ans et demi. Pour affermir sur ce front d’enfant le diadème catholique, les Guises et sa mère la fiancent au dauphin de France, fils de Catherine de Médicis. Le 13 août 1548, quatre galères, commandées par Villegaignon, entrent dans le port de Brest, et débarquent sur le rivage quatre enfans, toutes du même âge, Marie Fleming, Marie Seton, Marie Livingston et Marie Stuart. On conduit à Saint-Germain en Laye les quatre Maries, dont l’une sera la femme de François II ; la France, devenue l’intime alliée du parti catholique en Écosse, envoie des troupes à la reine douairière, pour soutenir à la fois contre le calvinisme du Nord le trône, l’autorité française et le pape. Dès-lors commence à germer la violente haine de l’Écosse contre les Guises, qui essaient de la dompter. Pendant que Marie Stuart, à Saint-Germain, soumise à cette éducation italienne que la cour de France aimait avec passion, apprenait la musique, la danse[2], l’italien, le latin et l’art de versifier, Marie de Lorraine s’emparait de la régence, s’entourait de courtisans français et italiens, correspondait avec le pape et l’Espagne, et parvenait, à force d’adresse, de prudence et de pénétration, à calmer le mécontentement que cette invasion de la politique mé-

  1. State-papers’ office. Glencairn to the Protector, 23 octobre 1547.
  2. Lettre ms. de Henry II à M. d’Humières, Musée britannique, collection d’Egerton, no 2. — 10 janvier 1549. — « Mon cousin, pour ce que Paule de Rege, présent porteur, est fort bien balladin (bon danseur) et à ce que j’en y peu coagnaistre (sic) honneste et bien conditionnée (sic), j’ay advisé de le donner à mon fils le dauphin pour lui montrer à baller (danser), et pareillement à ma fille la royne d’Écosse, etc., »