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SITUATION POLITIQUE.

Dans la longue et pénible discussion qui a ouvert la session actuelle, on a beaucoup recherché si, pendant le temps qui a précédé le traité du 15 juillet, il y aurait eu moyen d’arriver à une transaction tolérable, et si, pendant le temps qui l’a suivi, les mesures adoptées par le gouvernement ont été toujours les meilleures possible et les plus efficaces. À notre sens, il n’est pas, en présence d’un grand danger, de débat plus mesquin, plus indigne d’une assemblée sérieusement dévouée à soutenir l’honneur et la grandeur du pays. Il est toujours fort aisé d’être devin après l’évènement, et de démontrer que tel acte qui n’a pas réussi devait nécessairement échouer. Il est plus aisé encore de découvrir dans toute négociation un certain point où l’on eût pu prendre une autre route, et d’affirmer que cette autre route n’eût pas manqué de conduire au but. Mais nous demandons si des hommes éclairés et impartiaux ont jamais ainsi jugé le gouvernement de leur pays. Pour notre part, si nous étions obligé d’exprimer une opinion sur les négociations qui ont précédé le traité, nous dirions, en nous appuyant sur des autorités assez imposantes, que la grande faute, la faute capitale, c’est l’acte collectif qui a empêché le sultan de s’arranger avec le pacha d’Égypte, et fait de la question territoriale une question européenne. Une fois cette faute commise, nous sommes disposé à croire qu’il était impossible de la réparer, et que l’arrangement à quatre devenait inévitable. Quant au plan de campagne éventuel auquel le ministère du 1er mars s’est arrêté après le traité, il est bien clair qu’il se fondait sur l’espérance qu’Ibrahim tiendrait quelques mois en Syrie, et que, fût-il vaincu à Damas, Saint-Jean-d’Acre résisterait jusqu’au printemps prochain. Cette espérance si cruellement déçue n’était-elle pas alors partagée par tout le monde, et fallait-il absolument deviner la prompte dispersion de l’armée égyptienne et l’explosion de la poudrière de Saint-Jean-d’Acre ? Il est donc permis de sourire quand on voit de grands hommes d’état se faire les prophètes du passé et prédire à coup sûr tout ce qui est arrivé. Il est permis de sourire quand, parfaitement certains de n’être pas pris au mot, ils racontent les mesures hardies qu’ils auraient conseillées dès le début et les miracles qu’ils auraient accomplis. Ce courage rétrospectif, comme on l’a spirituellement appelé, est sans doute fort méritoire ; mais il ne faudrait pas qu’il dispensât d’un courage plus difficile, celui d’affronter les difficultés et les dangers actuels.

Qu’avant ou après le traité il y ait eu, par les uns ou par les au-