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caractère, la trahissent tout entière : violence, instinct, impuissance à maîtriser l’émotion. Elle a pris, de l’aveu de son oncle, le titre et les armes d’Élisabeth, reine d’Angleterre. Knox et les calvinistes ont accru leur pouvoir. Élisabeth envoie en France son ambassadeur Throckmorton, pour engager Marie à ratifier le traité d’Édimbourg, qui détruisait les prétentions de Marie à la couronne d’Angleterre. Voici ce que lui répondit la reine de seize ans : « Mes sujets d’Écosse se conduisent mal. Ils me disent leur reine et ne me traitent pas comme telle. Je ne ratifierai pas ce traité, et j’apprendrai à mes Écossais leur devoir. » — Throckmorton, qui rapporte ces paroles dans une lettre à Élisabeth[1], dit que le courroux de Marie était extrême. — « Madame, reprit l’ambassadeur, il me peine de voir que vous ne voulez pas renoncer à porter ouvertement les armoiries de ma maîtresse, et certes elle ne peut que soupçonner grandement votre bon vouloir à son égard. — Mes oncles, reprit-elle, vous ont répondu à ce sujet. Je ne veux plus vous entendre. »

Élisabeth ne l’oublia pas. Cette curieuse conversation, que nous ne reproduisons pas toute entière, atteste une singulière ardeur de pouvoir et une fermeté passionnée chez cette femme de seize ans. François II mort, à peine a-t-elle rendu les premiers devoirs à ce mari adoré, elle retrouve son courage ; elle se voit reine, veuve, et l’un des instrumens nécessaires du parti auquel sa vie est consacrée. Il faut admirer, dans la correspondance manuscrite de Throckmorton, avec quelle énergie singulière et quelle activité infatigable, à peine veuve, elle disposa ses plans, donna ses audiences, multiplia ses correspondances et se livra, dès les premiers jours du deuil, à l’entreprise qu’elle se proposait : la restauration du pouvoir royal et du catholicisme en Écosse. On a voulu faire d’elle une femme poète ; c’était une reine. Ce qui nous reste de ses vers ne vaut pas mieux que les sonnets de sa perfide et redoutable rivale. — « Si mes sujets ne se tiennent pas tranquilles, disait Élisabeth dans un de ces mauvais poèmes, je saurai bien découronner leurs têtes, I’ll untop their heads ; » ce qui est un peu fort pour un sonnet. On ne trouve pas plus de poésie dans les vers que Marie Stuart a consacrés au souvenir de son premier mari François II ; l’expression en est dure et la pensée vulgaire

En mon triste et doux chant,
D’un ton fort lamentable,

  1. Archives d’Angleterre, Trockmorton à Élisabeth, 17 novembre 1560.