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plus charitable dorénavant envers ceux qui ne pensent pas comme vous.

— Madame, répondit Knox, si frapper l’idolâtrie et soutenir la parole de Dieu, c’est encourager la rébellion, je suis coupable. Mais si, comme je le pense, la connaissance de Dieu et la pratique de l’Évangile conduisent les sujets à obéir au prince du fond du cœur, qui peut me blâmer ? Mon livre n’est que l’expression d’une opinion personnelle ; il ne tient pas précisément à la conscience, il ne renferme pas de principes impérieux ; et pour moi, tant que les mains de votre majesté seront pures du sang des saints, je vivrai tranquille sous votre loi. En fait de religion, l’homme n’est pas tenu d’obéir à la volonté du prince, mais à celle de son créateur. Si du temps des apôtres tous les hommes eussent été contraints de suivre la même religion, où serait le christianisme ?

— Les apôtres ne résistaient pas.

— Ne pas obéir, c’est résister.

— Ils ne résistaient pas par le glaive.

— C’est qu’ils n’en avaient pas le pouvoir.

Marie se lève tout à coup et s’écrie avec plus de force :

— Prétendez-vous donc que les sujets puissent résister aux rois ?

— Très assurément, si les princes franchissent leurs limites. Tout ce que la loi nous demande, c’est de vénérer le roi comme un père ; et si un père tombe en frénésie, on l’enferme. Quand le prince veut égorger les enfans de Dieu, on lui arrache l’épée, on lie ses mains, on le jette en prison jusqu’à ce que sa raison soit revenue. Ce n’est point désobéissance, c’est obéir à la parole de Dieu.

Marie était devant lui, silencieuse et terrifiée.

— Eh bien ! reprit-elle après un long silence, je le vois, mes sujets vous obéiront, non à moi ; ils feront ce que vous commanderez, non ce que j’aurai résolu. Moi, j’apprendrai à faire ce qu’ils m’auront ordonné, non pas à ordonner ce qu’ils doivent faire !

— À Dieu ne plaise ! Mon seul désir est que princes et serviteurs obéissent à Dieu. Sa parole dit que les rois sont les pères nourriciers et les reines les mères nourrices de son église.

— Sans doute ; mais votre église n’est pas celle dont je veux être mère et nourrice. Je défendrai l’église romaine, la vraie église de Dieu !

À ces imprudentes paroles, la foudre de Knox éclate.

— Votre volonté, madame, n’est pas la raison. La prostituée romaine est déchue, polluée et dégradée.