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Calvin et de sainte Thérèse, de Montaigne et d’Ignace de Loyola, de Rabelais et de d’Urfé.

Ce siècle se divise en deux parties distinctes. La période qui embrasse les règnes de François Ier et de Henri II est dominée par la grande lutte que la France soutient contre les prétentions de l’empire et de la monarchie espagnole ; la période qui commence sous Charles IX, se prolonge sous Henri III et se termine sous Henri IV, est remplie par les guerres de religion. Ces deux époques ont deux caractères entièrement différens. La première est plus brillante, ses vices sont cachés par un vernis d’élégance, elle se colore des derniers reflets de la chevalerie. La foi sérieuse du moyen-âge n’existe plus, mais l’enthousiasme vit sous une autre forme, et l’on peut dire de ce temps ce que François Ier disait après la bataille de Pavie : « tout est perdu fors l’honneur. » Quelques bûchers, quelques gibets s’élèvent, mais les lettres et les arts couvrent tout de leur éclat. La seconde moitié du siècle est plus sombre, plus tragique. La chevalerie est morte ; les luttes sont atroces. On s’empoisonne, on s’égorge, et l’on finit par la Saint-Barthélemy.

Bien qu’on doive tenir compte d’une division aussi importante, il est impossible de la prendre pour base de l’histoire littéraire ; on courrait le danger de séparer des ouvrages qui ne doivent pas l’être, et, pour éviter ce risque, il faut suivre une autre marche qui au fond n’est pas moins réellement historique. On doit, je pense, examiner d’abord tout ce qui se rapporte aux âges précédens, ce qui en est la continuation, le prolongement, puis ce qui appartient en propre à ce XVIe siècle, son passé, d’abord, puis son présent littéraire et intellectuel ; enfin, ce qu’il y a d’avenir en lui, ce par quoi il annonce, prépare, produit ce qui viendra plus tard.

En suivant cette marche, on rencontre d’abord la littérature chevaleresque. La chevalerie, née au moyen-âge de l’exaltation religieuse, amoureuse et guerrière, après avoir faibli pendant le prosaïque XVe siècle, reparaît au seizième à l’état d’imitation, de renaissance ; en même temps un fait analogue s’accomplit dans la littérature ; l’épopée chevaleresque du moyen-âge devient le roman de chevalerie du XVIe siècle. La chevalerie passe de la poésie à la prose. Ce fait important et significatif s’était déjà produit partiellement dans le Lancelot et dans d’autres compositions romanesques ; il devient universel. Le roman s’efforce de reproduire l’idéal des sentimens chevaleresques, création du moyen-âge. Il y atteint parfois, mais souvent il les raffine outre-mesure ou les exagère, faute de les bien comprendre. À