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DOCUMENS INÉDITS SUR MARIE STUART.

de gentilhomme. Le roi, ce bel adolescent au cerveau débile, reproche à la reine de lui témoigner peu de confiance quant aux affaires politiques. Sa vanité prend ombrage. Il voit d’un œil jaloux les bontés de sa femme pour le secrétaire milanais, pensionnaire de Rome, qui use de son influence et entraîne la reine dans tous les plans du duc d’Albe et de Catherine de Médicis. Le soin de ces vastes trames dont Riccio tenait le fil, et qui sont prouvées par les recherches de Von Raumer et de Gonzalès, rapproche de la reine Riccio à tous les momens du jour, et éloigne d’elle Darnley, étranger à ses desseins. Ambitieux autant que nul, il demande à Marie le partage du trône, qu’elle lui refuse vivement. Elle ne l’aimait plus. Elle était lasse de cette beauté sans intelligence, de cette jeunesse sans héroïsme, de cette grace sans poésie ; sa passion était déjà morte. Furieux de tomber de si haut, Darnley se venge par un abandon apparent ou affecté, se livre aux penchans grossiers, à l’ivresse, au jeu, à la débauche, traite la reine avec dureté et avec insolence, même en public et se jette dans les bras des ennemis de Marie. « La reine, dit Randolf se repent bien de son mariage ; elle déteste Darnley et tout ce qui lui appartient. » Alors on enflamme la jalousie de cet enfant borné ; il entre dans le complot des protestans pour tuer Riccio, qu’il regarde comme son rival heureux : calomnie que plusieurs historiens ont adoptée et que tout contredit.

L’argent et les intrigues d’Élisabeth étaient au fond de ce crime. Elle savait par Randolf ce qui se passait à Édimbourg et dirigeait de loin un complot dont le résultat devait être la déposition de Marie, la chute définitive du catholicisme, et le règne de Murray, protestant, sous le nom de l’impuissant Darnley. On consulte les ministres de l’Évangile, Knox et Craig, sur la légitimité du meurtre. Ils répondent que l’église de Dieu doit être sauvée, au prix du sang d’un idolâtre. Toutes les découvertes qui s’opèrent au sein de l’histoire, sont de ce genre ; des vertus de moins, et des crimes de plus. L’Écosse calviniste s’étonne encore aujourd’hui de savoir que son maître et son idole, Knox, a consenti à l’assassinat d’un pauvre musicien : fait trop avéré, sur la voie duquel les dogmes fatalistes de Knox auraient dû placer les écrivains, et qui est attesté par la liste nominale des approbateurs, complices et auteurs du meurtre, adressée à Élisabeth[1] par son ambassadeur et conservée dans les archives d’Angleterre.

  1. Randolf à Cecil, 18 mars 1565.