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sont que le meilleur moyen d’empêcher qu’on ne mette un pétard sous une porte, c’est de la laisser ouverte.

Ce serait une chose déplorable et qui imprimerait à la session de 1841 une longue et triste célébrité, que de voir cette grande et patriotique mesure, repoussée par la coalition tacite et momentanée d’opinions et de vues très diverses, voire même opposées. Voudrait-on donner un pendant à la loi de dotation ? On dit qu’indépendamment des votes négatifs et silencieux, il y en aura qui seront vivement et hautement exprimés à la tribune ; on cite, entre autres, l’illustre auteur de la Chute d’un Ange. Nous voulons encore espérer que ce bruit n’est pas fondé. Il nous serait douloureux d’entendre une admirable parole prendre la défense de l’opinion qui veut laisser Paris exposé aux insultes de l’étranger. Que peut-on dire en effet ? Que l’hypothèse de l’investissement de Paris n’est qu’un rêve ! Ce rêve s’est, de nos jours, réalisé deux fois. Que Paris investi par l’ennemi n’a pas besoin de fortifications pour se défendre ? Hélas ! il a été de nos jours pris deux fois ; deux fois l’étranger a bivouaqué aux Champs-Élysées ; deux fois, en s’emparant de la capitale, il a renversé le gouvernement établi et accompli une révolution politique sans l’assentiment du pays ; deux fois il nous a imposé des traités qui ont démembré l’empire ; deux fois il a fait peser sur la France des contributions et des charges dont la dixième partie aurait suffi pour couvrir les frais du système de fortifications le plus étendu et le plus redoutable. Il faut bien que les hommes d’imagination ne l’oublient pas, lorsqu’ils aspirent, et c’est leur droit et nous sommes loin de les en blâmer, à devenir des hommes politiques : il n’y a rien de plus inflexible qu’un fait.

Paris non fortifié, Paris capitale et clé de voûte d’un vaste système de centralisation, Paris décidant par sa chute ou par sa résistance du sort de la France, Paris très rapproché de celle de nos frontières qui se trouve la première exposée aux grands efforts de toute coalition envieuse de la grandeur, de la prospérité, de la gloire de notre pays, Paris est tombé deux fois aux mains d’un ennemi que menaçaient les débris formidables encore de la grande armée et le génie étincelant encore, dans ses dernières lueurs, du plus grand capitaine des temps modernes. Qui osera nous dire : Nous serons plus habiles que Napoléon, plus braves que les soldats de l’empire ? Cependant le génie de Napoléon lui-même et la bravoure du soldat français ne pouvaient se déployer, par de vastes et efficaces combinaisons, sans un point d’appui. La grande stratégie n’est possible qu’à deux conditions : il lui faut de l’espace et du temps. Son principe est le mouvement, le mouvement dans ses combinaisons les plus hardies et les plus habiles. Otez-lui ses conditions d’existence, tout s’évanouit ; l’imprudence devient sagesse, l’erreur habileté ; la science militaire la plus consommée, les conceptions du génie ne sont plus qu’impuissance et rêverie. C’est ainsi qu’en 1814 les alliés s’emparaient de la France par une pointe sur la capitale qui aurait dû leur tourner à piége, et que Napoléon, plein d’espérance encore, ne revenait toucher à la banlieue que pour en-