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AFFAIRES DE BUÉNOS-AYRES.

provinces embrassent les plaines si connues sous le nom de Pampas. Entre le Parana et l’Uruguay sont situés, comme une nouvelle Mésopotamie, l’Entre-Rios et Corrientes ; leur sol, fécondé par ces deux fleuves et leurs nombreux affluens, est le plus riche de la république. San-Luis, San-Juan et la Rioja occupent la déclivité des Andes, ainsi que Catamarca, qui est formé par une chaîne de montagnes secondaires, une arête rocheuse dont les entrailles cachent de riches filons d’or et d’argent. Santiago del Estero et Salta, sur un sol doucement incliné, unissent par une pente insensible le bassin des Pampas aux sommets du Haut-Pérou, dont l’état de Tucuman avec ses fertiles vallées posées au milieu des montagnes comme des crèches parallèles forme la frontière naturelle.

Les Espagnols s’établirent d’abord dans le Tucuman, et l’on retrouve encore dans ses vallons l’organisation féodale des premiers conquérans, une puissante aristocratie terrienne. Ils cherchaient de l’or ; on leur dit : — L’Eldorado est au sud avec ses merveilleux empires, ses précieux métaux, ses diamans, — et ils se répandirent dans la plaine, courant après l’inconnu. Des tribus sauvages, la plupart belliqueuses, possédaient primitivement la contrée. Ces indigènes disputèrent leur terrain pied à pied.

Chaque province se forma comme avait commencé l’ancienne Rome. Une poignée d’aventuriers audacieux poussait en avant, ils fortifiaient un camp, puis ils se considéraient comme les maîtres de la terre et se la partageaient. Chacun faisait la guerre à ses frais. Tout soldat était volontaire ; le chef n’avait que l’autorité d’un courage supérieur, d’une habileté reconnue. La solde était le butin ; composé des prisonniers faits dans les excursions, ramassés comme des troupeaux et enchaînés aux estancias ou encomiendas de leurs maîtres, où ils gardaient le bétail et cultivaient quelques champs. Ainsi chaque camp devenait une ville, un centre de domination autour duquel il n’y avait que des exploitations agricoles, et dont la limite s’arrêtait avec la course des conquistadores.

Toute cette histoire est encore empreinte sur la face même du pays. Jetez les yeux sur la carte : de quoi se compose la province de Buénos-Ayres ? D’une ville, d’une seule, et d’une immense campagne partagée en estancias, ou domaines privés destinés à élever des bestiaux. Santa-Fé est la seule ville de sa province, comme la Bajada l’est de l’Entre-Rios. L’état de Cordova n’en a pas d’autre que sa capitale ; Corrientes, Mendoza et toutes les autres provinces sont à peu près dans le même cas. Montevideo même, avant ces derniers temps, où l’émigration européenne et argentine est venue peupler les déserts de l’Uruguay, était la seule ville de l’état oriental.

On peut remarquer que l’étendue de la province diminue à mesure que le sol offre plus de difficultés, soit à exploiter, soit à posséder. Tous les états de la plaine sont très vastes ; les habitans y élèvent surtout des bestiaux ; ce sont, à vrai dire, des peuples pasteurs, et l’on sait ce qu’il faut d’espace pour satisfaire aux besoins de ces peuples. Mendoza, pays d’exploitations agricoles, n’a qu’une médiocre étendue : San-Juan et San-Luis, plus accidentés, sont