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tions avant que la tête de Marie, roulant sous la hache, annonce la défaite du catholicisme en Écosse.

Dans une entrevue nocturne et secrète avec Mar, gouverneur du château d’Édimbourg, elle lui rend ses terres confisquées en échange du gouvernement de ce château qu’elle donne à Bothwell. Blackness, Inch, et la supériorité de Leith, tombent dans ses mains. Murray demande permission de quitter le royaume. Elle voit à quel précipice sa passion l’a entraînée, et elle pleure ; sa beauté se flétrit[1], ses joues se creusent, elle ordonne une messe solennelle avec chants funèbres (dirge) pour l’ame de Darnley, et elle y assiste en tremblant. Enfin, le 12 avril, toute la ville étant occupée par les troupes de Bothwell, qui avait distribué quatre mille hommes dans les rues et placé dans la cour du palais de justice deux cents arquebusiers, mèche allumée, il se rend au tribunal, tout armé, monté sur un beau cheval de guerre que Marie venait de lui donner. Le peuple reconnut avec horreur qu’il avait appartenu à Darnley. D’une fenêtre du palais, Marie Stuart et Marie Fleming qui le voient passer, lui font un signe d’encouragement et d’amitié, que l’ambassadeur français Du Croc et un de ses domestiques aperçoivent. Tout était disposé d’avance. Quand le père de Henri Darnley, Lennox, se présenta aux portes de la ville, escorté d’une troupe d’hommes armés, on lui répondit qu’il entrerait, mais suivi de six personnes seulement[2]. Il rebroussa chemin. Bothwell, ne trouvant pas d’accusateur, fut acquitté à l’unanimité par un jury frappé d’épouvante, et l’envoyé d’Élisabeth, le prévôt-maréchal de Berwick, chargé d’une lettre de cette reine qui pressait Marie de faire justice et de rendre évidente sa propre innocence, ne put avoir accès auprès d’elle. On le traita de « misérable Anglais, » et on le renvoya couvert d’injures. Isolée de tous ses sujets par cette série d’actes aussi imprudens que coupables, Marie remplace par une compagnie d’arquebusiers les citoyens et les magistrats au costume noir et rouge et aux longues hallebardes, qui, selon la coutume antique, lui servaient de gardes-du-corps[3] ; elle fait confirmer par son parlement la sentence du jury, choisit Bothwell comme gardien et porteur de la couronne et du sceptre quand elle se rend aux communes, accorde aux protestans

  1. Archives d’Angleterre, Drury à Cecil, 29 mars 1567.
  2. Forster à Cecil, 15 avril 1567.
  3. Drury à Cecil, 10 avril 1567.