Page:Revue des Deux Mondes - 1841 - tome 25.djvu/443

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
439
LA HOLLANDE.

l’adoration de la Vierge, adoration ardente, passionnée, qui se manifesta surtout chez les peuples du Nord, et qui donna lieu à une multitude de chants religieux où toutes les expressions les plus éclatantes sont employées pour lui rendre hommage, où quelquefois même le Christ est représenté comme dépouillant auprès d’elle sa grandeur, et accourant à ses ordres dès qu’elle a besoin de lui[1].

Enfin, il existe encore un grand nombre de poésies populaires sur la naissance du Christ, l’arrivée des mages, la fuite en Égypte, etc. Tous les détails de la vie commune y sont dépeints avec une incroyable naïveté. Dans l’une, c’est l’enfant Jésus à qui sa mère fait prendre un bain, et qui s’amuse à faire jaillir l’eau hors du bassin[2] ; dans l’autre, c’est saint Joseph qui lui prépare un plat de bouillie[3]. Puis on nous montre Marie occupée à filer pour gagner sa vie, et saint Joseph faisant des ouvrages de menuiserie. Quelquefois aussi, dans ces poèmes dont il faut admirer la bonne foi et la simplicité, l’âne joue son rôle. Saint Joseph s’arrête pour cueillir des dattes et lui dit : Reste là, mon petit âne, ne bouge pas, il faut cueillir ces fruits pour nous rafraîchir, car nous sommes très-las[4]. Ce sont des images à mettre à côté de ces anciens tableaux de l’école de Cologne, où l’on voit Jésus s’amusant avec les ducats qu’un des mages lui présente dans une coupe d’or.

L’un des chants religieux les plus célèbres du XVe siècle est celui qui a pour titre : La Fille du Sultan. On le retrouve aussi en Allemagne[5], en Suède et en Danemark, mais sous une forme plus concise. C’est un chant qui a toute l’allure naïve de la ballade, et qui, sous un voile symbolique, porte tout le mysticisme de cette époque. Quoiqu’il soit un peu long, nous ne craignons pas de le citer en entier ; car il nous apparaît comme un monument curieux et sous le rapport de l’art, et sous le rapport des idées religieuses :

  1. On trouve quelquefois dans ces chansons des détails comme ceux-ci : « Jésus prend une corbeille et s’en va cueillir les fèves dont il a besoin, puis il prend une cruche, va chercher de l’eau, et vient aider sa mère à éplucher les légumes : Hi nam een corf in sijn hant, etc. »
  2. Die moeder die makenden den kinder een bat.
  3. La même idée se reproduit dans une chanson en allemand sur les rois mages : « Joseph nahm ein Pfannebier. »
  4. Och ! eselken, die moetste stille staen. (Voyez les Horæ belgicæ de M. de Fallersleben et les Volkszangen de M. Lejeune.)
  5. Der sultan hatte ein tochterlein. (Wunderhorn, ersten band.)