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correspondance originale de Marie et de Bothwell, on prétend que Jacques Ier, fils de Marie Stuart, s’empressa d’anéantir ces traces accusatrices des erreurs maternelles. Les défenseurs de Marie ont constamment repoussé comme fausses les lettres que Buchanan a publiées, et qui cependant, comme le dit très bien Robertson, contiennent des détails tellement circonstanciés et se rapportent si exactement aux dépositions de tous les témoins, qu’il est difficile à un juge impartial de ne pas admettre leur authenticité.

Après l’explosion du Kirk in the field et la mort de Darnley, Knox avait pris la fuite et laissé le champ libre aux passions de la jeune femme, qui, remplissant la scène, comme nous venons de le voir, a mieux servi la cause protestante que mille prédications n’auraient pu le faire. Marie une fois à Lochleven, le prédicateur reparaît ; et quelle satire, et quelle ironie, et quelle violence font retentir alors la chaire d’Édimbourg ! Les paroles de ce Bossuet-Marat tombent de la tribune sainte, canonnant, comme dit Randolf, à boulets rouges. Il enflamme le populaire, aide de toute sa puissance les confédérés, établit le calvinisme en Écosse, perd définitivement Marie Stuart, autre Armide, symbole dangereux et exécré du papisme, et creuse à la fois le tombeau de cette malheureuse femme et le sillon de puritanisme invincible où germèrent les longues guerres du Covenant.

Marie était vaincue avec le catholicisme. Elle était vaincue par ses fautes, vaincue par ses passions ; il ne lui restait plus que cet ascendant de sa parole et de sa beauté, de sa séduction et de sa grace, prestiges qui ne l’abandonnèrent qu’au moment où la hache de Fotheringay termina son agonie. Murray, son frère naturel, dont l’adresse et la prévoyance n’ont touché qu’aux intrigues et non pas aux crimes esquissés par nous, s’entend avec Élisabeth et s’empare de la régence. On le reconnaît pour chef du royaume. Il fait exécuter sommairement et presque sans forme de procès les instrumens subalternes du meurtre de Darnley ; il se hâte, « car leurs confessions, dit Bedford, le mettaient dans un grand embarras ; elles accusaient ses amis, ses confidens, les seigneurs qui avaient porté Murray à la régence. » On poursuit Bothwell, qui s’échappe, passe en Norvége, arme quelques vaisseaux, fait la piraterie, et meurt quelques années plus tard dans un cachot de Norvége, sans pain et sans feu. Ce fut au milieu de ces évènemens et n’ayant plus pour ressource qu’elle seule, que Marie Stuart trouva moyen de quitter sa prison et d’échapper à la geôlière redoutable qu’on lui avait donnée. Une des plus cu-