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les cendres. » L’Écosse était plus avancée. On a vu cependant combien elle respectait peu le sang des hommes, et quels étaient ces barons toujours prêts à planter leur poignard dans la poitrine qui leur faisait obstacle, et ce Knox, adversaire de Marie Stuart et du Midi, résumant dans sa conduite et sa doctrine l’austère et implacable moralité de la réforme septentrionale. Il meurt à soixante-sept ans, dans sa maison d’Édimbourg, heureux, satisfait, assouvi après cette œuvre. Son histoire est celle de la révolution qu’a dirigée sa volonté. Désintéressé, ardent, farouche, le remords de ses cruautés le frappa vaguement, lorsque, se soulevant sur son lit funèbre, il essaya de justifier et de laver la tache de sa vie. « Plusieurs m’ont reproché et me reprochent, dit-il, ma sévérité et ma rigueur. Dieu sait que mon cœur n’eut jamais de haine contre les personnes sur lesquelles je fis tonner les jugemens de Dieu. Je n’ai détesté que leurs vices, et j’ai travaillé de toute ma puissance, afin de les gagner au Christ. Que je n’aie été clément pour aucun crime, de telle condition qu’il fût, je l’ai fait par crainte de mon Dieu, qui m’avait placé dans les fonctions du saint ministère et qui m’appelle à lui rendre compte. Pour vous, mes frères, combattez le bon combat, faites l’œuvre de Dieu avec courage et une volonté entière. Dieu vous bénira d’en haut, et les portes de l’enfer ne prévaudront pas ! » Ses derniers soupirs furent une malédiction et une prophétie. Grange avait déserté la cause des barons et pris en main celle de la reine. Knox lui envoya dire qu’il eût à mettre bas les armes, ou que le bras de Dieu s’appesantirait sur lui. « Sors de ta tanière de brigand, lui écrivait-il, ou bientôt on viendra t’en tirer ; je t’annonce, de par le Dieu qui se venge, que tu seras pendu au gibet sous le soleil ardent[1]. » Un mois ne s’était pas écoulé depuis la mort de Knox, que Grange, « vrai chevalier, humble, gent, doux et agneau dans la maison, mais lion au combat, personnage fort, vigoureux, de belles complexion et proportion, dit Melvil[2], » marchait au supplice, conduit par l’ami de Knox, soldat-prêtre, David Lyndsay, qui pendit Grange au gibet, sous le soleil ardent, en chantant les psaumes en écossais.

Avec la vie de Grange s’éteignait le dernier espoir des Guises et du Midi catholique. Marie n’avait plus de sujets ; son fidèle et dernier serviteur, sir Adam Gordon d’Auchendover, cherchait asile en France. Le parti catholique se décourageait et se démembrait ; le

  1. Knox’s life by Mac-Crie.
  2. Melvil’s Memoirs, pag. 257.