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dique, sans aucune des combinaisons du charlatanisme, et par le seul concours de cette population catholique, qui est la base ébranlée, mais non détruite, de la société française.

La politique abstraite enfante peu de livres : la polémique assourdissante des journaux est trop nuisible à la discussion calme et réfléchie. L’année dernière, M. Alexis de Tocqueville s’est maintenu au premier rang en complétant ses belles études sur les institutions démocratiques. L’économie publique, les branches diverses de la science administrative, sont étudiées avec intelligence et donnent lieu à des livres utiles. La Revue en a signalé plusieurs à leur apparition ; elle consacrera bientôt une étude analytique à deux publications récentes : la continuation du grand ouvrage que M. Macarel poursuit sous le titre de la Fortune publique en France, et le Système financier de la France, par M. le marquis d’Audiffret.

C’est dans la carrière illimitée de l’histoire que se rencontrent aujourd’hui les intelligences actives. Nous n’exagérons pas en avançant que la moitié des écrits datés de l’année dernière pourraient se rapporter à quelqu’une des subdivisions de la science historique : il y a même, dans ce concert subit du public et des auteurs, quelque chose qui ressemble à de la vogue, et qui fait craindre pour la continuité du mouvement. Qu’on ne nous demande pas quels sont les tableaux de maître d’une composition assez savante, d’un assez riche coloris pour exercer une séduction sur la foule. L’Académie française a répondu pour nous en décernant une éclatante récompense à M. Augustin Thierry pour ses Récits des temps Mérovingiens. Quant aux compilations de documens, aux analyses de pièces, aux expositions de systèmes, aux recherches inédites, il y a eu surabondance, et les ouvrages estimables ont été si nombreux, qu’il faut renoncer à mentionner tous ceux qui mériteraient un souvenir. M. de Golbéry a couronné son intelligente traduction de l’Histoire Romaine de Niebuhr par un septième volume qui analyse et résume les derniers travaux de l’école allemande sur ce sujet inépuisable. De son côté, l’érudition française a maintenu son rang en ajoutant deux volumes aux mémoires de l’Académie des Inscriptions. Deux collections monumentales, les Ordonnances des rois de France et le recueil des Historiens de France, commencé par le bénédictin dom Boucquet, ont atteint chacune le vingtième volume. Il était digne de MM. Firmin Didot de relever la librairie française aux yeux de l’Europe savante en donnant une réimpression du Glossaire de Ducange[1] (Glossarium mediæ et infinæ latinitatis), dans laquelle le nouvel éditeur, M. Henschel, a intercalé les supplémens de Carpentier, avec ses propres additions et rectifications ; c’est là une entreprise glorieuse qui peut devenir une spéculation très lucrative tant elle arrive à propos. La nouvelle Collection des documens relatifs à l’histoire de France, dont l’impression est à la charge de l’état, a été augmentée, nous n’oserions pas dire enrichie,

  1. L’ancienne édition formait 10 vol. in-folio, dont le prix était devenu excessif. La réimpression est de format in-4, et offerte à un prix très modéré.